Mathieu Criaerd (vers 1689–1776)

L'interlude de la galerie : Mathieu Criaerd

Mathieu Criaerd, Commode livrée en 1742 par Thomas-Joachim Hébert pour Madame de Mailly (détail), 1742, Paris, Musée du Louvre (inv. OA 11292)
© 2012 Musée du Louvre / Thierry Ollivier

 
Né vers 1689, Mathieu Criaerd est issu d’une dynastie d’ébénistes d’origine flamande. Il s’installe à Paris, rue Traversière avant d’être reçu maître en 1738. Il développe alors une manière délicate, exécutant principalement des tables et des commodes : en 1767, lors de l’inventaire de son atelier, plus de la moitié de son fonds est ainsi composé de commodes. Il apprécie particulièrement les frisages, associant sur ses meubles bois de rose, satiné ou amarante, et faisant jouer leurs lignes et leur veinage. Criaerd affectionne surtout les assemblages en pointe de diamant, qui donnent à ses meubles un décor géométrique original. Les bronzes qui ornent ses réalisations sont d’un dessin rocaille épanoui et semblent provenir d’un même modèle, probablement donné par le marchand mercier Thomas-Joachim Hébert pour lequel il travaille régulièrement. La façade de ses commodes est ainsi généralement ornée en son centre d’un cartouche de bronze doré de forme violonée, dans lequel sont dissimulées les poignées.
 

Mathieu Criaerd, Commode en marqueterie de pointe de diamant, époque Louis XV, galerie Léage


Criaerd travaille dès le début des années 1740 avec le marchand mercier Hébert, qui lui donne accès à d’importantes commandes de la cour. En 1742, il réalise par son intermédiaire le mobilier de la chambre de Madame de Mailly au château de Choisy. Pour s’accorder avec la moire de soie bleue et blanche dont les murs de la chambre sont tendus, l’ébéniste décore la commode dans ces mêmes couleurs d’un original vernis Martin à motifs de fleurs et d’oiseaux, enrichis d’ornements de bronze argenté. Criaerd l’accompagne quelques mois plus tard d’une encoignure portant le même décor. Une table à écrire, aujourd’hui disparue, complétait cet ensemble. Cette livraison introduit le travail de l’ébéniste à la cour, et marque le début d’une collaboration fructueuse avec Hébert.
En 1748, le marchand mercier livre ainsi pour le cabinet de retraite du Dauphin à Versailles une commode réalisée par Criaerd et ornée de sa caractéristique marqueterie en pointe de diamant, associant bois de violette, satiné et amarante. L’ensemble est cerné d’un décor de bronze finement ciselé, au cartouche central violoné.

 
Mathieu Criaerd, Commode livrée en 1748 par Thomas-Joachim Hébert pour le cabinet de retraite du Dauphin à Versailles, 1748, Versailles, Châteaux de Versailles et de Trianon (inv. V4948)
© Château de Versailles, Dist. RMN / © Christophe Fouin

Criaerd travaille également pour les ébénistes du roi, qui lui confient la réalisation des meubles dont ils ne peuvent assurer la livraison. Antoine-Robert Gaudreaus, puis son successeur Gilles Joubert, lui délèguent ainsi une partie de leurs commandes. Le premier livre en 1743 une encoignure réalisée par Criaerd pour les nouveaux appartements du premier étage du château de Choisy, ornée d’une délicate marqueterie en pointe de diamant. Quelques années plus tard, en 1745, Gaudreaus livre au Garde-Meuble un autre meuble réalisé par Criaerd, une étagère en encoignure pour la garde-robe du Dauphin à Fontainebleau.
 
Mathieu Criaerd, Commode livrée en 1742 par Thomas Joachim Hébert pour Madame de Mailly, 1742, Paris, Musée du Louvre (inv. OA 11292)
© 2012 Musée du Louvre / Thierry Ollivier

Par l’intermédiaire des marchands merciers, Criaerd réalise des meubles luxueux, et s’inscrit dans la vogue des meubles plaqués de laque asiatique dont il produit un grand nombre. Cette idée de décor de laque revient probablement à Hébert, qui fournit à sa clientèle de nombreux meubles portant ce décor. Parmi ses réalisations ornées de laque asiatique, la commode du musée du Louvre est un exemple particulièrement riche. Plaquée d’une laque de Chine colorée et en léger relief, elle est enrichie de bronzes rocailles chantournés et ajourés, aux formes végétales. Criaerd complète souvent le décor par du vernis européen, ou en couvre l’intégralité de ses meubles comme pour la commode de Madame de Mailly.
 
Mathieu Criaerd, Commode en laque polychrome, vers 1745–1750, Paris, Musée du Louvre (inv. OA 10456)
© 2008 Musée du Louvre / Objets d’art du Moyen Âge, de la Renaissance et des temps modernes

Élaborant de subtiles marqueteries de frisage en pointe de diamant, et de luxueux plaquages de laque asiatique, Criaerd livre de nombreux meubles pour la cour tout au long de sa carrière. À la mort de son épouse, en 1767, il cède son atelier à l’un de ses fils, Sébastien-Mathieu.
 
Bibliographie :
Alexandre Pradère, Les Ébénistes français de Louis XIV à la Révolution, Paris, Éditions du Chêne, 1989
Jean Vittet, « Le marchand Thomas-Joachim Hébert (1687−1773) et l’ébénisterie de son temps » in Le Commerce du luxe à Paris aux XVIIe et XVIIIe siècle, échanges nationaux et internationaux, Berne, Peter Lang
 

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