Ébéniste majeur de la fin du XVIIIe siècle et du tout début du XIXe siècle, Adam Weisweiler réalise certains des plus beaux et des plus précieux meubles de la période.
Adam Weisweiler naît en Allemagne en 1744 d’un père brasseur. Peu de choses sont connues sur ses années de formation, et on le retrouve à Paris en 1777 alors qu’il se prépare à la maîtrise. Beaucoup d’ébénistes d’origine allemande, tels que Jean-François Œben (1721−1763) ou Roger Vandercruse (1728−1799), exercent alors dans la capitale française, centre majeur des arts décoratifs européens. Weisweiler s’installe dans le faubourg Saint-Antoine et est reçu maître en 1778. Il est probable qu’il termine sa formation auprès de Jean-Henri Riesener (1734−1806), ébéniste ordinaire du mobilier de la Couronne et l’un des plus célèbres de son temps. La proximité des premières réalisations de Weisweiler avec celles de Riesener, ainsi que deux exceptionnels meubles estampillés par les deux ébénistes, dont une commode anciennement dans les collections de la galerie Léage, appuient cette hypothèse.
Sa collaboration avec l’un des plus grands marchands merciers de la fin de l’Ancien Régime, Dominique Daguerre (vers 1740–1796), permet à Weisweiler de recevoir des commandes prestigieuses dans lesquelles son style s’épanouit. Daguerre reprend La Couronne d’or en 1777, et fournit les personnalités les plus importantes de la Cour et d’Europe. En 1784, il demande à Weisweiler une table à écrire et un secrétaire destinés à la reine Marie-Antoinette. Ces meubles consacrent l’ébéniste et son goût. Il réalise par la suite plusieurs meubles pour la famille royale, par l’intermédiaire de Daguerre, notamment une commode livrée pour Monsieur à Fontainebleau en 1786 et une autre livrée pour le roi à Saint-Cloud en 1788. La clientèle étrangère de passage à Paris achète également chez Daguerre des meubles de Weisweiler, comme le grand-duc Paul de Russie et son épouse Maria Feodorovna. L’installation du marchand à Londres en 1789 permet à l’aristocratie anglaise d’acquérir des meubles de Weisweiler, et on retrouve notamment chez le prince de Galles, futur George IV, de nombreuses réalisations de l’ébéniste.
Weisweiler traverse quatre périodes stylistiques : Louis XVI, Directoire, Consulat et Empire. Sa manière et ses sources d’inspiration évoluent tout au long de sa carrière, suivant les modes. Travaillant essentiellement pour des marchands merciers – Daguerre d’abord, puis Thomire, Duterme et peut-être Lignereux – il est parfois difficile de déterminer la part d’invention du marchand, et celle de l’ébéniste. Réalisant surtout des commodes, des tables, des consoles et des secrétaires en cabinet, alors très à la mode, on reconnaît dans sa production des modèles fixes, sur lesquelles il adapte différents décors suivant le goût du moment. Il reprend également certaines formes anglaises, auxquelles il donne une ornementation au raffinement très français. Les tables à thé, mais aussi les tiroirs « à l’anglaise », dont la façade s’abaisse et se déplie pour découvrir un cuir, se retrouvent ainsi dans sa production. Il semble également être l’inventeur d’un modèle de table à double colonnettes en imitation du bambou, petit guéridon évoquant l’exotisme cher au XVIIIe siècle.
Certains éléments de décor caractérisent particulièrement le goût de Weisweiler. Les cariatides, qu’il utilise pour la première fois en 1784 sur la table à écrire de la reine, se déclinent en différents modèles sur ses meubles, de même que les colonnes cannelées détachées. Pour ses décors de bronze, toujours d’une grande finesse, il travaille avec Pierre-Philippe Thomire (1751−1843), Pierre-François Feuchère (1737−1823) et Pierre Gouthière (1732−1813), tous trois d’éminents bronziers de la fin du XVIIIe siècle. Il choisit pour le décor de ses meubles des marqueteries de bois précieux, loupes d’amboine et de thuya, ébènes et acajous. Nombre de ses réalisations sont également ornées de plaques de porcelaine de Sèvres, ou de médaillons de la manufacture de Wedgwood, que Daguerre, principal revendeur de la manufacture britannique en France à partir de 1787, peut facilement lui fournir. Très à la mode à la fin du XVIIIe siècle, de superbes panneaux de laque japonaise ornent également son mobilier, à commencer par la table à écrire de la reine et le secrétaire en pendant.
Après la mort de Daguerre en 1797, il continue à travailler avec des marchands merciers, et produit sous l’Empire de nombreux meubles dont ne on conserve que très peu d’exemples. En 1809, Adam Weisweiler cesse son activité au terme d’une brillante carrière.
Bibliographie :
Patricia Lemonnier, Weisweiler, Éditions d’art Monelle Hayot, Paris, 1983
François de Salverte, Les ébénistes du XVIIIe siècle, Éditions de Nobele, Paris, 1923