Saint-Cloud

Vue du château de Saint-Cloud, détail, première moitié du XVIIIe siècle, galerie Léage

Le 6 octobre 1658, la Gazette de France relate la fastueuse réception donnée par le contrôleur des finances Barthélemy Hervart à l’occasion de la visite du roi dans son domaine de Saint-Cloud : « après une collation magnifique, le parc fit jouer pour eux ses cascades féériques et s’inonda de feux et d’illuminations merveilleuses ». Cette fête constitue les prémices d’une des demeures les plus fastueuses du royaume.

Bury (graveur), Etienne Allegrain (d’après), Vue cavalière du château et du parc de Saint-Cloud vers 1675, 1830–1848, Versailles, Châteaux de Versailles et de Trianon (inv. INV.GRAV 6164)
© Château de Versailles

Le roi Louis XIV jette alors son dévolu sur ce domaine situé sur la colline de Saint-Cloud à l’ouest de Paris. Il en fait cadeau à son frère Philippe, duc d’Anjou et futur duc d’Orléans, que l’on appelle Monsieur. Celui-ci fait de sa résidence un « Versailles des Orléans ». Entre 1677 et 1681, il fait construire le corps de logis central et l’aile droite, qu’il prolonge d’une orangerie. En 1687–1688, Jules Hardouin-Mansart (1646−1708), premier architecte du roi, y ajoute un escalier monumental. Monsieur confie à Pierre Mignard (1612−1695), principal rival de Charles Le Brun, la création des décors intérieurs. Ceux-ci reprennent le principe de l’allégorie mythologique mis en place par le premier peintre à Versailles. Le château est ainsi doté d’une galerie longue de quarante-cinq mètres dont le plafond raconte l’histoire d’Apollon, tandis que les vies de Mars et de Diane sont représentées dans les salons éponymes.

Photographie stéréoscopique de la galerie Apollon du Palais de Saint-Cloud, vers 1868, Musée Avelines Philippe Le Pareux
© Ville de Saint-Cloud — Musée Avelines Philippe Le Pareux

Monsieur organise de nombreuses fêtes à Saint-Cloud, où il reçoit son frère le roi et toute la Cour. Ses nouveaux décors sont admirés par tous, et souvent renouvelés. On trouve dans les appartements d’apparat de nombreuses et couteuses tentures des Gobelins, notamment L’Histoire d’Alexandre et L’Histoire de César. Dans le salon de Mars, on dénombre dix-huit guéridons dorés, autant de girandoles, des tables couvertes d’un plateau de marbre et des ployants. Dans l’orangerie, sofas et fauteuils alternent avec tables supportant une importante collection de coffres et de cabarets de Chine laqués. Monsieur est en effet un collectionneur passionné, et il rassemble dans ses cabinets de curiosité à Saint-Cloud de nombreux bijoux, des porcelaines, des bronzes et des pierres précieuses.

Jean-Baptiste Claude Sené, Écran de cheminée du mobilier dit « aux aigles », livré en 1788 pour la chambre de la reine à Saint-Cloud, 1787, Versailles, Châteaux de Versailles et de Trianon, dépôt du Mobilier national (inv. GME 16833)
© Château de Versailles

Après la mort de Philippe d’Orléans en 1701, le domaine de Saint-Cloud connaît une période d’éclipse. Il est toujours entretenu mais rarement occupé, à l’exception de quelques réceptions importantes lors de la visite du tsar Pierre le Grand en 1717 ou de celle de l’ambassadeur ottoman en 1721. En 1785, la reine Marie-Antoinette tombe sous le charme du lieu, et le fait acheter par le roi. Elle demande à son architecte Richard Mique (1728−1794) de grands travaux à partir de 1786, et la famille royale peut y résider en 1788. La demeure de Monsieur est entièrement reprise pour être mise au goût du jour, et seuls la grande galerie et les salons de Mars et de Diane survivent. Elle fait appel aux plus grands menuisiers et ébénistes de l’époque pour meubler les différents appartements : Jean-Baptiste Sené (1748−1803), Georges Jacob (1739−1814), Jean-Henri Riesener (1734−1806) ou Guillaume Benneman (1750−1811) participent tous à la création d’un ameublement d’exception pour Saint-Cloud.

Jean-Henri Riesener, Secrétaire en laque, formant ensemble avec une commode, 1783, New York, Metropolitan Museum of Arts (inv. 
20.155.11)
Ce secrétaire et la commode qui lui est associée sont commandés pour le Grand cabinet intérieur de la reine à Versailles, puis placé en 1787 dans ses appartements à Saint-Cloud.

Le mobilier dit « aux aigles » est ainsi livré en 1788 par Sené pour la chambre de la reine. Sculpté par Jean Hauré, doré par Louis-François Chatard, il est composé de plusieurs fauteuils et d’un écran de cheminée, aujourd’hui conservés au Louvre et à Versailles.
Sené livre également un très original ensemble pour le cabinet de toilette de la reine, illustrant l’égyptomanie de la fin du règne de Louis XVI, et comprenant bergères et sofa. La reine apporte également de Versailles certains meubles qu’elle souhaite retrouver dans sa nouvelle résidence d’été, et notamment le superbe ensemble formé d’une commode et d’un secrétaire en laque et enrichis de somptueux bronzes dorés, livrés par Riesener en 1783 à Versailles.

Pierre Benoît Marcion, Fauteuil d’apparat, vers 1805, galerie Léage
Ce fauteuil se trouvait à Saint-Cloud dans la chambre de la duchesse de Berry en 1824, dans le salon d’apparat du Dauphin en 1828, dans le salon de réception de Louis-Philippe en 1833 puis dans le salon de réception de la reine Marie-Amélie en 1843.

La Cour séjourne pour la dernière fois à Saint-Cloud à l’été 1790. Après la chute de la monarchie, le mobilier est vendu et le palais devient, avec l’avènement de Bonaparte premier consul, une résidence d’État au cœur des évolutions politiques du XIXe siècle. Bonaparte s’y voit offrir la couronne impériale en 1804, puis y épouse l’impératrice Marie-Louise en 1810. Charles X et la duchesse de Berry, sa belle-fille, y résident ensuite, puis Louis-Philippe et Napoléon III à leur tour. 
En 1870, un tir d’obus prussien déclenche un incendie dans le palais, et celui-ci est finalement détruit en 1892 : seuls quelques rares témoignages nous permettent aujourd’hui d’imaginer le Saint-Cloud du XVIIIe siècle.


Bibliographie :
Florence Austin Montenay, Saint-Cloud. Une vie de château, Vögele Edition, 2005
Bernard Chevallier, Aurélia Rostaing, Jean-Denis Serena, Saint Cloud. Le palais retrouvé, Éditions du patrimoine, 2013

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