L’art du piqué

Attribuée à Nicola de Turris, Écritoire en piqué , vers 1750, galerie Léage À découvrir à la TEFAF Maastricht 2025, du 15 au 20 mars, stand 144

Mêlant écaille de tortue, nacre et or, le piqué est une technique infiniment précieuse, portée à son apogée par les artisans napolitains au XVIIIe siècle. Parmi les exceptionnelles pièces en piqué connues aujourd’hui se trouve une écritoire attribuée à Nicola de Turris, à découvrir à la TEFAF Maastricht sur notre stand 144.

Attribuée à Nicola de Turris, Écritoire en piqué , vers 1750, galerie Léage À découvrir à la TEFAF Maastricht 2025, du 15 au 20 mars, stand 144

Le piqué désigne des objets faits d’une âme d’écaille de tortue, savamment ornée d’éléments de nacre, d’or et parfois d’argent. Divers procédés sont utilisés : le clouté – de minuscules trous creusés dans l’écaille et remplis d’un fil d’or ; le coulé – de fines rainures ménagées dans l’écaille et remplies d’un fil d’or posé à l’horizontal ; l’ incrusté – des éléments de nacre ou d’or posés sur l’écaille amollie. Le brodé combine les trois premières techniques et est utilisé par les artisans les plus talentueux pour créer des pièces remarquables. Au XVIIIe siècle, le piqué est pratiqué à travers toute l’Europe, et on le retrouve dans le décor de tabatières et autres petits objets précieux. Les artisans napolitains, appelés tartarugari , réalisent les pièces les plus remarquables. De 1720 à 1760, ils produisent des pièces d’un luxe extrême, stimulés par le raffinement de la brillante cour du roi Charles de Bourbon. Leur grande préciosité en fait des cadeaux prisés, contribuant au rayonnement du savoir-faire napolitain à travers le monde. Le sultan Mahmud Ier reçoit ainsi des objets en piqué lors de sa visite à Naples en 1740.

Attribuée à Giuseppe Sarao, Boîte formant écritoire , vers 1725-1735, Paris, Musée du Louvre (inv. R 27) © 2018 Musée du Louvre / Département des Objets d’art du Moyen Age, de la Renaissance et des temps modernes

Les noms de plusieurs ateliers et tartarugari napolitains sont toujours connus aujourd’hui. Certains d’entre eux signent leurs réalisations, et quelques rares pièces sont même datées. L’atelier le plus réputé est celui de Giuseppe Sarao et de son fils Gennaro. Ils produisent entre les années 1720 et 1750 certains des chefs-d’œuvre de l’art du piqué. D’autres ateliers sont particulièrement réputés, et notamment celui de Nicola de Turris, auquel notre écritoire est attribuée. De Turris est cité en 1735 dans la Description des fêtes célébrées à Naples pour le retour de Charles de Bourbon, par Giuseppe Senator comme l’un des « principaux professeurs travaillant l’écaille et la nacre », aux côtés de Giuseppe Sarao. Une écritoire, conservée à Waddesdon Manor, est signée de sa main : « Turris F. Neap ». Les tartarugari produisent dans leurs ateliers des pièces variées, petits objets de toilette, pièces de vaisselle, écritoires… De très rares meubles sont connus, notamment une table conservée au musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg, ou encore un cabinet miniature dans les collections du musée du Louvre.

Attribué à Giuseppe Sarao, Cabinet , vers 1725-1735, Paris, Musée du Louvre (inv. R21) © 2018 Musée du Louvre / Département des Objets d’art du Moyen Age, de la Renaissance et des temps modernes

Les décors les plus sophistiqués sortis des ateliers napolitains associent des motifs d’arabesques et des scènes historiées complexes. L’ornemaniste français Jean Bérain (1640-1711) est l’une des principales sources d’inspiration des tartarugari . D’autres comme l’allemand Paul Decker fournissent également des ouvrages d’ornements souvent repris. Les artisans suivent les goûts parisiens : Louis XIV puis Régence au début du XVIIIe siècle, rocaille ensuite. Le goût néoclassique point dans les productions vers 1760, et se reconnaît par des motifs empruntés à l’univers textile et la disparition progressive de la nacre, alors que l’art du piqué décline en général. Durant la première moitié du siècle, les chinoiseries constituent une importante source d’inspiration. La couleur de l’écaille de tortue, l’éclat et la préciosité des matériaux rappellent celles des objets en laque asiatique et se prêtent particulièrement bien aux chinoiseries. On retrouve sur ce coffret issu de nos collections attribué à Gennaro Sarao des pagodes sinisantes caractéristiques de ce goût.

Attribué à Genaro Sarao, Coffret en piqué , vers 1745-1755, galerie Léage

D’une préciosité et d’un raffinement extrêmes, les objets en piqué suscitent la convoitise des collectionneurs avertis. Un des plus grands amateurs est l’aristocrate anglais Sir Julian Goldsmid (1838-1896), dont la vente en 1896 rassemble près de 80 lots en écaille piquée d’une qualité exceptionnelle. Les Rothschild mènent également une course au piqué, et recherchent des pièces à travers toute l’Europe. Au XXe siècle, la reine Mary aussi se prend de passion pour ces objets et rassemble une importante collection, toujours conservée aujourd’hui dans les collections royales anglaises.

Giuseppe Sarao, Plateau , 1725-1735, Paris, Musée du Louvre (inv. R 26) © 2016 GrandPalaisRmn (musée du Louvre) / Stéphane Maréchalle

L’art du piqué est à découvrir, ou redécouvrir à la TEFAF Maastricht, sur notre stand 144, du 15 au 20 mars !

Bibliographie : Alexis Kugel, Complètement piqué. Le fol art de l’écaille à la cour de Naples , Éditions Monelle Hayot, 2018

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