Pendule monumentale Neptune et Diane 

France, époque Louis XVI-Directoire, vers 1795
Bronze ciselé et doré
Marbre blanc
Cadran en émail blanc signé Bourdier 
Jean-Simon Bourdier (vers 1760-†1839)

Provenance 

Ancienne collection Jean Lanchère de Vaux (1727−1805), présente dans son inventaire après-décès du 18 pluviose an XIII (7 février 1806), lot 488 et dans la vente après-décès, à l’hôtel d’Orrouer, le 16 avril 1806, lot 47 

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L’ensemble s’inscrit dans une caisse entièrement réalisée en bronze très finement ciselé et doré à l’or mat ou or bruni et marbre blanc dit « de Carrare ». Le cadran signé Bourdier indique les heures en chiffre romains, les minutes par tranche de cinq et les jours calendaires en chiffre arabes par trois aiguilles, dont deux en cuivre repercé et doré et la dernière en métal. 

La boite circulaire renfermant le mouvement à sonnerie des heures et demi-heures, est surmonté d’un nuage accueillant deux Zéphyr nus ailés se regardant.

Le tout repose sur une base quadrangulaire, à double décrochements, côtés arrondis et corniche, ceinturée d’un tore de feuilles de laurier et d’une frise de perle en bronze doré. La partie centrale est agrémentée d’un bas-relief en bronze doré en réserve au thème du triomphe d’Amphitrite encadré de deux branches feuillagées verticales également en réserve. Deux guirlandes de feuillage festonnée ornent les côtés arrondis. Cette base est surmontée d’une seconde base plus étroite et concave, ceinturée d’une frise de perles et d’une frise enrubannée, agrémentée de deux bronzes à thème végétaux aquatiques en réserve sur les côtés de la face. 

La partie supérieure de la pendule, sur laquelle repose le cadran, est en forme de rocher d’où s’écoule une source en bronze doré dans une vasque en marbre encadrée de végétaux aquatiques. Elle est flanquée de deux personnages assis figurant Neptune et Diane. Ces derniers sont reconnaissables à leurs attributs. Neptune, le dieu de la mer, est représenté avec une barbe, couronné de végétaux aquatiques. Il tient une jarre renversée tandis que Diane, divinité de la nuit et de la chasse, tenant une coquille, et est reconnaissable au croissant de lune qui orne sa tête et au chien à ses pieds. 

Cette spectaculaire pendule se distingue notamment par ses dimensions monumentales et surtout par sa provenance du XVIIIe siècle. En effet, Jean Lanchère de Vaux (1727−1805) possédait deux exemplaires de ce modèle, la nôtre par Bourdier et une autre par Deliau. Elle est signalée dans son inventaire après-décès sous le numéro 488 : « […] une pendule de modèle de fleuve & Diane, marquant l’heure & les minutes, le mouvement signé fait par Bourdier prisé quatre mille francs[1] ». 

Le triomphe d’Amphitrite 

Le bas-relief qui orne la base de cette pendule est emblématique du goût pour le triomphe marin qui anime le XVIIIe siècle finissant. Il représente le Triomphe d’Amphitrite, l’épouse du Dieu de la mer, Neptuneet sa composition est à rapprocher du célèbre bas-relief de Clodion conservé à Copenhague au Statens Museum et des différentes interprétations qu’il inspira. Les différentes créatures marines et l’élan donné au sujet semblent illustrer presque littéralement la description du triomphe d’Amphitrite donnée par Fénelon dans Les aventures de Télémaque publié en 1699 et sans cesse reprise par les artistes du XVIIIe siècle tels que le peintre Natoire, Clodion ou Joseph-Charles Marin : « nous aperçûmes des dauphins, couverts d’une écaille qui paraissait d’or et d’azur (…) Après eux venaient des tritons qui sonnaient de la trompette avec leurs conques recourbées (…), le char de la déesse Amphitrite était une conque d’une merveilleuse figure (…) une troupe de nymphes couronnées de fleurs nageait en foule derrière le char (…) Une grande voile flottait dans les cieux au-dessus du char ; elle était à demi enflée par le souffle d’une multitude de petits zéphyrs qui s’efforçaient de la pousser par leur haleine ». Ce thème du triomphe marin connut un grand succès car il offrait le prétexte à la mise en place d’une composition ambitieuse aux multiples personnages bien caractérisés. 

Jean-Simon Bourdier (vers 1760 – †1839) 

Jean-Simon Bourdier fut l’un des plus importants horlogers parisiens qui assura la transition entre les XVIIIe et XIXe siècles. Ayant accédé à la maîtrise le 22 septembre 1787, il connut immédiatement une grande notoriété. La perfection de ses mécanismes lui valut des commandes prestigieuses dont celles destinées au roi d’Espagne, Charles IV, et la collaboration d’artistes et d’artisans majeurs comme les ébénistes Jean-Ferdinand Schwerdfeger et Georges Jacob, le ciseleur-doreur François Rémond et les peintres-émailleurs Dubuisson et Coteau. Il travailla pour les marchands de son temps qui lui assurèrent cette renommée internationale, notamment Daguerre et Julliot. 

Jean Lanchère (1727−1805) 

Originaire d’Angoulême, Jean Lanchère fit sous l’Ancien Régime une ascension remarquable jusqu’à être nommé Maître des Postes de Versailles grâce à la protection du duc de Polignac. Anobli en 1779, devenu seigneur de Vaux (près d’Angoulême) et de Plaisat, il ne continua pas moins de bâtir une fortune colossale sous la Révolution en devenant entrepreneur général des chevaux de l’artillerie, secondé par son fils aîné, François, tandis que son cadet, Jean- Barthélémy prenait les rênes des postes de Paris. 

Jean Lanchère prit en charge en 1796 les transports de l’armée de Sambre-et-Meuse et ceux de l’armée d’Italie. Le 6 pluviôse an VI, soit le 25 janvier 1798, il acheta le château de Maisons (actuel Maisons-Laffitte) pour une valeur nominale de 948 000 francs ; il le revendit en l’an XIII (1804−1805) au maréchal Lannes, pour un prix réel de 450 000 francs. 

Domicilié à Paris, d’abord rue de Seine, Lanchère acheta en 1798 à la marquise de Flamarens l’hôtel d’Orrouer (actuel 87 rue de Grenelle). C’est là que se tint en 1806, un an après sa mort, la vente de sa collection : furent dispersés sous l’autorité de l’expert Alexandre Paillet, tableaux, meubles et objets d’art dont vingt-et-une pendule qui constituaient les lots les plus remarquables de la vente. Au n°47 était d’abord mentionnée notre pendule : « une forte pendule en marbre blanc, enrichie de Figures allégoriques et accessoires en fonte dorée au mat. Cette pièce, désignée sous le titre du Modèle du Fleuve et de Diane, mouvement de Bourdier, à Paris ». Était ensuite décrite sous le lot 48 : « une pendule, même modèle et ornements de la précédente, du nom d’Eliau, à Paris, marquant les Phases de la Lune, signes du Zodiaque, mois de l’année, Heures, Minutes et Secondes. » Cette dernière, anciennement dans la collection Balkany (vente Sotheby’s Paris, 20 septembre 2016, lot 52) est signée Deliau au revers de la base et porte la date de sa commande, 1796. 


[1] « Item un coffre en acajou monté de colonnes de marbre blanc ordre corinthien garnies de bronze ; surmonté de casques guerriers dans lequel est un jeu de flutes, couronné d’une pendule de modèle de fleuve & Diane, marquant l’heure & les minutes, le mouvement signé fait par Bourdier prisé quatre mille francs »

  • Hauteur : 75 cm – 29 1⁄2 inches
  • Largeur : 82 cm – 32 inches
  • Profondeur : 26 cm – 10 1⁄4 inches

  • Jean-Simon Bourdier, Pendule Monumentale Neptune et Diane, 1796, ancienne collection Balkany, collection particulière

    • Archives Nationales (Marais), « Inventaire après-décès : Lanchère, Jean. Grenne (rue de), n°372/ Versailles (Yvelines), Colonne (place de la)n n°6.Passy, Franklin (rue) », Minutes, an XIII, pluviose, 18 pluviose an XIII (7 février 1805), MC/ET/XLIV/740.

    • Notices d’objets curieux de tous genres, après le décès de M. et Mme Lenchère […], à Paris, chez Alex Paillet, le. 16 avril 1806 (inv. RES W1806 avril)

    • Louis Bergeron, Banquiers, négociants et manufacturiers parisiens du Directoire à l’Empire, Paris, Mouton Éditeur & École des Hautes Études en Sciences Sociales, 1978, p. 345. Madeleine Fouché, La poste aux chevaux de Paris et ses maîtres de postes à travers les siècles, Paris, Nouvelles Éditions Latines, 1975, pp. 52–59.

    • Burton B. Fredericksen, Répertoire des tableaux vendus en France au XIXsiècle, Los Angeles, Getty Publications, 1998, vol. 1, p. 33, n° 100.

    • Anne L. Poulet, Guilhem Scherf, Clodion, 1738–1814, Paris, Musée du Louvre, 1992, pp. 181–183.

    • Guilhem Scherf, « Autour de Clodion : variations, répétitions, imitations », Revue de l’Art, n° 91, 1991, p. 47

    • François de Salignac de Mothe-Fénelon, Les aventures de Télémaquelivre IV, Paris, chez la Veuve Delaulne, 1730, pp. 80–81.