Paire d’encoignures en laque de Coromandel et vernis européen 

France, époque Louis XV, milieu du XVIIIe siècle
Estampillée DELORME
Adrien Faizelot Delorme (1722−1791)
Laque de Coromandel et vernis européen, bronze doré
Dessus de marbre en brèche d’Alep
Marques au C couronné 

Publié dans 

  • Nicole Brugier, Les Laques de Coromanel, Paris, La Bibliothèque des Arts, 2015, p. 190. 

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Ces encoignures, de forme galbée, sont plaquées d’un panneau de laque de Coromandel sur la porte. Celui-ci présente un décor tripartite. Un drapé rose bordé d’or, à motifs de grues et de caractères chinois, orne les angles supérieurs et inférieurs droit de la première encoignure, et gauche de la seconde. Il s’ouvre pour découvrir des scènes de palais et de jardins. Le laque de chacune de ces encoignures semble provenir du même panneau. Les portes sont encadrées par des montants incurvés, en vernis européen au décor végétal. L’ensemble du décor est relevé par des bronzes dorés finement ciselés : encadrement de porte, sabots et tablier. 

À l’intérieur, la porte est ornée d’un délicat motif de frisage associant bois clairs et sombres. 

La laque de Coromandel 

Les meubles en laque incarnent l’engouement pour l’exotisme au XVIIIe siècle. Des meubles en laque, paravents, coffres ou encore boîtes, étaient importés d’Asie. Objets de luxe et de convoitise, ils étaient ensuite dépecés afin de fournir une ornementation à des meubles de structure européenne, comme l’attestent ces deux encoignures. 

Transitant par la côte de Coromandel, sur la côte Orientale de l’Inde, le terme de laque de Coromandel est aujourd’hui utilisé pour désigner ce que les chinois nomment Ke hui qui signifie littéralement « cendre incisée » ou Kuan Cai, « laque découpée et colorée ». Ces panneaux ont la particularité d’avoir été d’abord recouverts d’une couche d’argile tendre finement pulvérisée, sur laquelle a ensuite été posés un revêtement d’herbes fibreuses et une toile recouverte de laque avant que celle-ci ne soit ensuite incisée. Les parties dénudées, et donc en creux, étaient ensuite soit dorées, soit peintes avec une préparation sableuse additionnée de pigments colorés. 

Adrien Faizelot Delorme (1722−1791) 

Signalé par les almanachs du temps comme « l’un des plus habiles et des plus renommés pour les ouvrages de marqueterie », Adrien Faizelot Delorme fut reçu maître en 1748. Fils de l’ébéniste François Faizelot Delorme (1692−1768), il fut très tôt formé au métier. Son mariage en 1748 avec Catherine Madeleine Duval, veuve successivement des ébénistes Albert Potier et Pierre Guérard, lui permit de reprendre l’atelier de ce dernier, rue du Temple. Initié par son père à l’emploi des laques asiatiques, Delorme recourut également au vernis Martin. 

Alors que la plupart des ébénistes travaillaient avec des marchands qui leur fournissaient les onéreux panneaux en laque de Coromandel, Adrien Faizelot Delorme fut un des rares à posséder ses propres panneaux.

Parallèlement il produisit de nombreux meubles marquetés, aux formes rocaille assagies, employant volontiers le bois d’amarante se détachant sur des fonds de bois de rose ou de satiné. Ses ouvrages proches de ceux de Criaerd, B.V.R.B., Latz ou Œben illustrent le moment de perfection tant vanté des arts sous le règne de Louis XV. Reconnu par ses pairs, il fut élu juré de sa communauté en 1766, puis en 1783 vendit son fonds de commerce et se retira de la profession. 

Le poinçon au C couronné 

Un édit de 1745 fait obligation aux bronziers de frapper leurs ouvrages d’une petite lettre distinctive : un C surmonté d’une couronne, les soumettant ainsi au règlement d’une taxe. Celle-ci s’appliquait « sur tous les ouvrages vieux et neufs de cuivre pur, de fonte, de bronze et autres, de cuivre mélangé, moulu, battu, forgé, plané, gravé, doré, argenté et mis en couleurs sans aucune exception ». Le 4 février 1749 un arrêt du Conseil mit fin à cette obligation qui fut vraisemblablement liée à la fin de la guerre de succession d’Autriche dont le financement avait occasionné la création de nombreux petits impôts. 

Le texte précise qu’il concerne « tout ouvrage vieux ou neuf ». Il est donc possible de le trouver sur des pièces antérieures à 1745. Il suffit pour cela que l’objet soit soumis à une nouvelle couche de dorure ou qu’il passe dans le commerce au cours de ces quatre années. Tel est le cas de certains meubles d’André-Charles Boulle, d’époque Louis XIV, mais dont le succès s’est prolongé. 

  • Hauteur : 95 cm – 37 1⁄2 inches
  • Profondeur : 52 cm – 20 1⁄2 inches
  • Largeur : 73 ‚5 cm – 29 inches

  • Adrien Faizelot Delorme, Commode, vers 1750, Amsterdam, Rijksmuseum (inv. BK-16652)

    • Daniel Alcouffe, Yves Carlier, 18e aux sources du design, chefs‑d’œuvre du mobilier 1650- 1790, Versailles, Château de Versailles, 2014.

    • Nicole Brugier, Les laques de Coromandel, Paris, La Bibliothèque des Arts, 2015, p. 190.