Console Louis XIV à motifs de têtes d’indiennes

France, époque Louis XIV
Bois sculpté et doré Marbre de Rance

La ceinture de cette console, de forme rectangulaire, arrondie aux angles antérieurs, est ornée d’un quadrillage de losanges au centre duquel se trouve une fleur. Au milieu de chaque côté, un motif de coquille est entouré de feuilles d’acanthe. Le centre de la console est orné d’une tête d’indienne, parée d’une plume, entourée de rinceaux de feuilles d’acanthe. À chaque angle antérieur, une tête d’Indienne porte une coiffe couronnée de plumes avec sous le cou une collerette prolongée par des feuilles d’acanthe. Une partie lisse lui succède annonçant une autre feuille d’acanthe formant le bas du pied. À chaque angle postérieur, les pieds reprennent la même forme avec des motifs de coquille à la place des bustes d’Indiennes. Une entretoise relie les quatre pieds avec, en leur centre, une partie plane, ornée d’un décor d’arabesques ; des fleurs et des feuilles d’acanthe rejoignent les quatre pieds.

Histoire et spécificité des consoles durant le règne de Louis XIV

Classée dans les meubles de menuiserie, la table console est avant tout un meuble d’architecture dans lequel s’est particulièrement épanoui l’art du bois doré. Née à la fin du XVIIe siècle, elle accompagna l’apparition des grands trumeaux de glace et s’installa durablement tout au long du siècle suivant dans le décor intérieur. À l’origine, élément fixe du lambris, elle est créée pour un lieu précis, le plus souvent à l’entrefenêtre ou bien en pendant d’une cheminée dont les marbres sont alors assortis ; on y expose des objets de collection : statues de bronze ou encore vases précieux.

Si les premières consoles créées sous le règne de Louis XIV présentent des piétements en forme de termes ou de gaines, ceux-ci ont eu tendance à prendre des formes sinueuses dans les dernières années du xviie siècle à l’image de cette console.
Clairement faite pour être appliquée au mur et pour être vue de face, cette console est richement ornée de sculptures de femmes aux coiffures ornées de plumes sur la partie avant.

Aujourd’hui séparée de son environnement d’origine, elle témoigne de la verve créatrice qui s’empara des sculpteurs ornemanistes dans ce domaine. Sa création relève de l’activité des architectes, des ornemanistes et des sculpteurs.

La représentation de têtes de femme
portant des coiffes ornées de plumes dites « Indiennes »

Si Christophe Colomb fut le premier à découvrir l’existence d’un nouveau continent en 1492, l’exploration fut essentiellement menée par les Espagnols et les Portugais jusqu’au début du xvie siècle. Considérant l’enjeu économique et symbolique, François Ier fut le premier souverain français à réellement prendre conscience de l’importance que pouvait avoir le financement d’une expédition. C’est ainsi qu’à partir du XVIe siècle l’exploration du nord du continent américain fut essentiellement menée par les navigateurs français et anglais (Giovanni da Verrazzano en 1524, Jacques Cartier en 1534 ou Cavalier de la Salle et Henri de Tonti en 1682).

Faisant écho à ces découvertes, les Français connurent assez rapidement les vêtements et coiffes des Indiens puisque dès 1536, un certain nombre d’Indiens d’Amérique du Nord firent le voyage en Europe. Ils découvrirent Paris, furent reçus à la Cour, nourrirent l’inspiration d’écrivains comme François Rabelais ou Michel de Montaigne et leurs images furent diffusées par la gravure. La représentation de femmes coiffées de plumes à la manière des coiffures portées par les Indiens, que nous trouvons sur cette console, renvoie à la fascination qu’ils exerçaient, d’autant plus forte sous le règne de Louis XIV que l’exploration du centre du territoire nord-américain se poursuivait alors, marquée par la possession de la Louisiane en 1682. Ainsi, dès le début de son règne, le Carrousel de 1662, un ballet équestre, met en scènes cinq quadrilles illustrant Romains, Persans, Indiens, « sauvages de l’Amérique ». On retrouvera les Indiens, présents lors du Carrousel des galantes amazones en 1686, illustrant l’une des quatre parties du monde. Les dessins de ces costumes, conservés aux Archives nationales, permettent de découvrir les costumes de fantaisie présentant des coiffures empanachées portées lors de ces fêtes.

L’usage de figures, portant des coiffes pourvues de plumes afin d’illustrer cette thématique, est également présent dans le mobilier. Ainsi, on retrouve des bronzes en forme de femme à tête d’Indienne sur une bibliothèque de Charles Cressent abordant le thème des quatre parties du monde, conservée au musée Gulbenkian à Lisbonne. Par ailleurs, les cols des femmes sculptées sur cette console ne sont pas sans rappeler ce que l’on nommait dans les premières décennies du XVIIIe siècle des espagnolettes, terme utilisé pour désigner une mode vestimentaire inaugurée lors du carnaval de 1700. Cet habit de fantaisie était, entre autres, composé d’un collet de dentelle plissé et d’une toque à plume. Fort couru à l’époque, on le retrouve dans les tableaux de Jean-Baptiste Santerre, Alexis Grimou ou dans les œuvres de Nicolas Cressent. Ils ont donc vraisemblablement inspiré les sculpteurs de cette console.

  • Hauteur 80 cm – 31 1⁄2 inches
  • Largeur : 130 cm – 51 inches
  • Profondeur : 66 cm – 26 inches

  • Table console, vers 1720, Paris, Musée des arts décoratifs (inv. 4838)
  • Daniel Alcouffe, Yves Carlier, Gérard Mabille, 18e aux sources du design, chefs‑d’œuvre du mobilier 1650–1790, Dijon, Éditions Faton, 2014.
  • Elizabeth Caude, Jérôme de La Gorce, Béatrix Saule, Fêtes et divertissements à la cour, Paris, Gallimard, 2016.
  • Catherine Hofmann, Hélène Richard, Emanuelle Vagnon, L’Âge d’or des cartes marines, Quand l’Europe découvrait le monde, Paris, Seuil, 2012.
  • Bill G.B. Pallot, L’Art du siège au XVIIIe siècle en France, Paris, A.C.R. Gismondi, 1987.
  • Bill G.B. Pallot, Le Mobilier du musée du Louvre, volume II, Siège et consoles (menuiserie) XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Éditions Faton, 1993.
  • Alexandre Pradère, Charles Cressent, sculpteur, ébéniste du Régent, Dijon, Éditions Faton, 2003.
  • Anne-Marie Quette, Le Mobilier français Louis XIII-Louis XIV, Paris, Éditions Massin, 1996