Paire de petites girandoles-candélabres à six bras de lumière
France, époque Louis XIV, vers 1700
Bronze ciselé et doré, cristal de roche et verre soufflé*
Ces girandoles reposent chacune sur une base circulaire moulurée à doucine inversée. Sur la coupole basse, s’élève le fût central en balustre qui supporte les six bras de lumière en forme de S (montés à goupilles) et se prolongent par des bassins circulaires supportant eux-mêmes huit pendeloques en forme de poires à facettes et se terminant par des bobèches unies.
Le fût s’élève par une tige en métal cernée verticalement de chapelets de billes à facettes et olives, jusqu’au motif du sommet en bronze ajouré et élaboré, en forme de trèfle stylisé.
Il est ponctué de trois rouelles disposées en rayons de longueurs décroissantes comportant chacune six tiges habillées de billes torsadées se terminant par une rosace épanouie à sept pétales, au bout de laquelle pend une poire à facettes.
Le niveau inférieur est disposé obliquement et est rattaché au fût par de petites perles dont certaines sont en verre de couleur verte.Le second niveau est constitué de doubles rayons-tiges (douze) disposées pour les uns horizontalement et obliquement pour les autres, en alternance autour du fût, s’achevant chacun par une rosette et une poire.
Les obliques sont également maintenues par de petites perles vertes et en cristal.Le troisième niveau à six tiges disposées en étoile se termine par une poire à facettes.
Les girandoles au XVIIe siècle
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, ce type de candélabre était appelé girandole, car les bras sont disposés autour d’un axe central un peu comme les rayons d’une roue. Le terme est dérivé du girare italien qui signifie tourner, et de la girandola, un appareil pyrotechnique qui tournait comme une roue horizontale.
En 1690, dans le dictionnaire universel de Furetière, le terme girandole était défini comme « un chandelier composé de plusieurs branches et bassinets qui aboutit en pointe, et qui a un pied servant à le poser sur des buffets ou de hauts guéridons ». L’ensemble est orné de perles de cristal de roche, de verre ou de pierres semi-précieuse afin de créer un grand nombre de surfaces réfléchissantes afin de produire autant d’éclat que possible.
Ces luminaires se développèrent au milieu du XVIIe siècle et apparaissent pour la première fois dans les inventaires royaux français vers 1660.
Les girandoles de petites tailles, à l’image de celles-ci, étaient généralement placées sur des tables ou guéridons torchères dont la hauteur variait entre 0,90 m et 1,80 m. Elles comportaient trois à sept bras de lumières et étaient ornées de plaquettes et perles à facettes en cristal de roche. Vers 1670, le cristal de roche étant cher, les girandoles et les lustres furent progressivement fabriqué en France avec des éléments en verre, suivant les mêmes modèles que ceux en cristal de roche ; à la fin du siècle, le verre avait presque entièrement remplacé le cristal de roche. Dans les inventaires de cette période il est par ailleurs difficile de dire quel matériau a été utilisé, car le verre portait le nom de cristal en France.Ce matériau servait à réfléchir la lumière des bougies qui, bien choisi et travaillé « faisait jouer la lumière sans aucun équivalent ».
Exemple d’acquisition de girandoles par Louis XIV
On peut lire dans le registre du garde-meuble de la Couronne en date du 26 février 1691 :
« apporté de l’hôtel Colbert céans (ici) quarante girandoles de cristal à six branches et six bobèches et en haut une septième bobèche qui termine que le Roy a fait acheter à l’inventaire des meubles de feu monsieur le marquis de Seigneley (Colbert), … le Roy en a donné douze à S.A.R. Monsieur frère unique de sa Magesté, lesquelles douze girandoles j’ay aujourd’hui … délivré ».
Les vingt-huit autres furent envoyées au miroitier De la Roue afin d’être modifiées et surmontées d’une fleur de lys.
Elles furent ensuite placées dans les appartements royaux du château de Versailles.
Après la fonte du mobilier d’argent en 1689, Louis XIV s’était fait présenter « des girandoles de cristal à six branches de cuivre doré à consoles, garnies de cristal, faites pour modèle pour la Grande Galerie de Versailles ».Lors d’un bal donné pour la Duchesse de Bourgogne à Versailles en 1700 « il y avait sur tous les pilastres les demi-girandoles à cinq branches d’argent. Ces girandoles… ont été nouvellement inventées par M. Bérain ».
- Hauteur : 37,5 cm – 14 3⁄4 inches
- Diamètre : 30,5 cm – 12 inches
- Gillian Wilson, Charissa Bremer-David et Jeffrey Weave, “French furniture and Gilt Bronzes – Baroque and Régence” , Catalogue of the J. Paul Getty Museum Collection, The J. Paul Getty Trust 2008. N°33, pages 292 à 295.
- Peter Thornton, XVIIth century Interior Decoration in England, France and Holland, chapitre XI, p. 268 à 281, ill n°2 et 270 (p. 227) dessin illustré p. 298, Yale University press, New Haven et London, 1981.
Calèche royale d’enfant à quatre roues, en bois sculpté, mouluré, doré et peint
France, premier tiers du XVIIIe siècle (caisse), seconde moitié du XVIIIe siècle (décor peint)
Bois sculpté, mouluré, doré et peint en rouge et polychrome sur fond orProvenance :
Cette calèche fût livrée pour la Couronne d’Espagne, très vraisemblablement pour le futur Charles III. Au dos de la caisse sont sculptées les petites armes des Bourbon d’Espagne : écartelé aux 1 et 4 de gueules au château d’or, donjonné de trois tours, ouvert d’azur (qui est de Castille), et aux 2 et 3 d’argent au lion de gueules armé, lampassé et couronné d’or (qui est de León) ; sur-le-tout d’azur à trois fleurs de lis d’or, à la bordure de gueules (qui est d’Anjou). Les armes sont timbrées d’une couronne d’infant.
Le train
Le train (essieu) à deux grandes roues arrières et deux petites devant est peint en rouge et doré sur le châssis tracteur. Chaque roue arrière est munie de huit rayons à décors de chapelets de perles, chacun situé entre deux motifs de feuilles allongées. Le périmètre des roues est orné d’une rosace ovale à pétales terminant chaque rayon, qui est flanquée de part et d’autre d’une rangée de piastres de taille décroissante. Les roues avant comportent chacune six rayons agrémentés des mêmes motifs.
L’avant-train est pourvu d’une barre de volée permettant vraisemblablement d’atteler deux animaux. Une roue disposée horizontalement autour d’un axe central permet de tourner et manœuvrer facilement.
L’avant-train et l’arrière-train sont ornés d’une sculpture élaborée à décors à la grecque tels que : des triglyphes, des frises de fleurs incluses dans des entrelacs, des rinceaux feuillagés, des rosaces, dont une disposée dans un médaillon porté par un nœud enrubanné fixé à une patère simulée (à l’arrière, sous l’écusson), des plumets surmontant des montants en gaine feuillagés et des chapiteaux, des faisceaux, des perles etc.
Les armatures sont en fer ciselé. Les ressorts de suspension sont en acier. Les lanières soupentes de suspension sont en cuir d’origine, ainsi que la tranche des roues.
La caisse
La caisse (nacelle) ouvrant par deux vantaux latéraux chacun muni d’une poignée et de gonds en bronze ciselé et doré, est peinte sur fond doré. On constate quelques restaurations sur les panneaux. On y distingue six scènes pastorales sur fond d’or :
- sur le panneau avant : une scène de colin-maillard avec un homme aux yeux bandés entouré de quatre jeunes femmes
- sur la porte droite : une pastorale avec un berger accompagné de son chien et de son troupeau, discutant avec deux femmes dont l’une assise tient un enfant sur ses genoux
- sur le panneau arrière droite : une scène de galanterie pastorale
- sur le panneau arrière : un mendiant tend son chapeau vers un cavalier qui se retourne en présence de deux spectateurs. On aperçoit une tour dans le lointain.
- sur le panneau arrière gauche : un jeune homme assis semblant rêver en compagnie d’un autre personnage debout effectuant un ample geste de ses bras
- sur la porte gauche : un berger appel son troupeau en soufflant dans une corne en compagnie de deux femmes dont l’une est assise et tient un enfant sur ses genoux.
Chaque panneau est souligné en haut par une frise de guirlandes polychromes fleuries et feuillagées.
Ceux-ci ont pu être réalisés par des artistes napolitains comme Francesco Celebrano (1729- 1814), Saverio Della Gatta (1777−1829) ou espagnol comme José Camaròn Boronat (1731- 1803).
L’encadrement en bois sculpté et doré est de forme légèrement mouvementée, sculpté de baguettes feuillagées entre les moulures, de chutes à feuilles d’acanthe, agrafes et enroulements sur les montants. La frise inférieure est ornée de motifs de fleurons et de fleurettes disposées en alternance avec diverses arabesques et s’achève à chaque extrémité par un puissant enroulement cannelé sur les tranches de la face et du dos.
Sous chaque porte figure un élégant tablier constitué de deux grandes feuilles d’acanthes à enroulements adossées et déployées.
La forme générale de la caisse ainsi que ses ornements semblent pouvoir être datés des premières années du XVIIIe siècle.
Le décor peint serait datable de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Cette différence de datation pourrait naturellement s’expliquer par l’usure d’usage d’une œuvre particulièrement exposées aux chocs et intempéries.
Historique des calèches
Apparue dans les écuries royales françaises en 1643, la calèche, voiture de ville et de promenade à quatre roues découverte, contenant deux sièges pour quatre personnes et dont le siège arrière pouvait être abrité par une capote, fut pendant plus de deux siècles la plus prisées des voitures. Ainsi, dès 1643, année où le jeune Louis XIV, âgé de 5 ans, monte sur le trône, est livrée une « petite calèche ». La calèche prit donc dès ses débuts des dimensions adaptées à l’usage par des enfants comme ici où, de plus il ne subsiste qu’un siège. Voiture de promenade pour enfant, cette calèche pouvait être tractée par un ou deux poneys, chèvres, ânes ou moutons et éventuellement par un ou plusieurs serviteurs mais rares sont les exemplaires des XVIIe et XVIIIe siècles à nous être parvenus intacts.
Une calèche royale
La richesse des boiseries et des peintures ainsi que le choix d’un fond d’or, sans conteste le plus coûteux, témoigne du prestige de son destinataire qui pourrait ainsi être l’un des héritiers du trône d’Espagne, le futur Charles III (1716−1788), premier enfant du second mariage de Philippe V et 3e dans la ligne de succession.
Au point de vue héraldique, et prenant comme référence la numismatique espagnole, Philippe V fut le premier roi Bourbon espagnol à utiliser le simple écartelé de Castille et León (sans Grenade avec Bourbon en sur-le-tout), dans la décade 1730–1740. La couronne surmontant l’écu est celle des infants d’Espagne. Par conséquent on peut avancer l’hypothèse que cette voiture fut réalisée pour l’un de ses enfants.
Il semblerait que la forme de l’écu en sur-le-tout, portant les armes d’Anjou, permette de distinguer les deux branches issues des mariages de Philippe V avec Marie- Louise de Savoie en 1701 puis avec Élisabeth Farnèse en 1714. Ainsi, la forme en écu serait celle utilisée pour les enfants issus de son premier mariage, Louis Ier (1707−1724) ou le futur Ferdinand VI (1713- 1759) alors que la forme ovale serait celle des enfants issus de son second mariage, Charles III d’Espagne (1716−1788), Philippe Ier de Parme (1720−1765) ou Louis Antoine d’Espagne (1727−1746).
À notre connaissance, aucune autre calèche de cette qualité ne figure dans une collection privée.
Philippe V (1683−1746)
Roi d’Espagne, chef de la maison des Bourbons d’Espagne, né en 1683 à Versailles, Philippe était le deuxième fils du Dauphin, dit « le Grand Dauphin », et petit-fils de Louis XIV. Il fut titré duc d’Anjou.
Appelé au trône d’Espagne en 1700 par le testament de son grand-oncle maternel Charles II, dernier roi d’Espagne de la dynastie des Habsbourg, il devient lui-même roi d’Espagne, premier de la dynastie des Bourbons, même si les premières années de son règne furent marquées par une guerre de Succession qui embrasa l’Europe jusqu’en 1714.
Marié en 1701 à Marie-Louise de Savoie qui lui donna deux fils, Louis et Ferdinand, il se remaria avec Élisabeth Farnèse en décembre en 1714 qui lui donnera notamment deux autres fils, Charles et Philippe.
Son règne ayant duré 45 ans et 2 jours, même s’il fut marqué par une abdication de quelques mois en 1724 en faveur de son fils ainé Louis, est le plus long de la monarchie espagnole.Charles III d’Espagne (1716−1788)
Premier fils de Philippe V d’Espagne et de sa seconde épouse, la princesse Élisabeth Farnèse, il n’est pas destiné à régner à Madrid, le trône d’Espagne devant revenir à son demi-frère Ferdinand né du mariage de son père avec Louise de Savoie. Il devint donc d’abord duc de Parme et de Plaisance sous le nom de Charles Ier en 1731, roi de Naples en 1734 puis de Sicile en 1735.
Ferdinand mourant sans héritier, Don Carlos abdiqua sa royauté italienne et monta sur le trône d’Espagne et des Indes en 1759 à l’âge de 43 ans, avec déjà une solide expérience réformatrice. S’appuyant sur des légistes et des ministres d’abord italiens puis espagnols, il multiplie les réformes économiques (abolition des douanes intérieures, colonisation de la Sierra Morena, liberté de commerce avec l’Amérique, etc.) et culturelles (stimulation de la recherche scientifique et de l’enseignement après l’expulsion des jésuites (1767)).
À l’extérieur, rompant avec la politique de neutralité de Ferdinand VI, il s’allie à la France contre la Grande-Bretagne par le pacte de Famille (1761), qui l’entraîne dans la guerre de Sept Ans (1762) puis dans la guerre de l’Indépendance américaine (1779) au cours de laquelle il reprend Minorque (1782).
Hauteur : 83 cm – 32 1⁄2 inchesLargeur : 216 cm – 85 inchesProfondeur : 86 cm – 33 3⁄4 inches- Béatrix Saule et collectif, Roulez carrosses !, château de Versailles et musées d’Arras, édition Skira-Flammarion, Paris, 2012
- Communication écrite de Philippe Palasi le 21 octobre 2014
- Communication écrite de Thomas Gauvillé en 2015
- Jean-Louis Libourel, Voitures hippomobiles : vocabulaire typologique et technique, Editions du patrimoine, juin 2016.
Lustre en bronze ciselé et doré
Russie, fin du XVIIIe siècle
Verre bleu, cristal et bronze doré et ciseléIl présente deux plateaux en verre bleu. Le plateau supérieur est surmonté et entouré de cristaux taillés et de pampilles qui retombent. Les deux plateaux sont reliés par des branches entre lesquelles sont inscrits, en bronze doré, des motifs de forme ovoïde avec en leur centre, des rosaces ainsi que des cristaux. De la couronne inférieure, partent les huit bras de lumière entre lesquels sont intercalés des motifs de feuilles de fougère.
La mise au point du cristal
La découverte du cristal remonte au XVIIe siècle en Angleterre lorsque l’Amirauté britannique, pour assurer la production des mâts des navires dont elle avait besoin, a décidé d’interdire l’utilisation du bois comme combustible.
Les verriers se tournèrent alors vers d’autres sources d’énergie telles que le charbon récemment découvert et, vers 1675, afin d’accélérer la fusion, l’oxyde de plomb fut adjoint à la composition. À leur surprise, les verriers constatèrent alors que, grâce à cet oxyde métallique, ils obtenaient un verre à l’éclat et à la sonorité exceptionnels.
Rapidement, d’autres pays comme la Bohème, la France, la Suède, la Belgique ou la Suède, tentèrent de mettre au point un verre aux qualités comparables.
C’est ainsi probablement dès 1683 que le maître-verrier Michael Müller mit au point le cristal de Bohême grâce à l’ajout de potasse, de chaux et d’oxyde de Manganèse, d’une dureté et d’une brillance forte – le cristal – susceptible d’être taillé comme une pierre précieuse.
Le cristal taillé
Si dès l’Antiquité les Égyptiens avaient déjà appliqué au verre les techniques des lapidaires, le verre leur était apparu dès ce temps-là proche des pierres précieuses. La rénovation de cette technique est liée à la cour impériale de Rodolphe II, empereur de la dynastie des Habsbourg qui régna entre la fin du XVIe et le début du XVIIe siècle. L’empereur était un grand amateur d’arts, de sorte que de nombreux tailleurs de pierres, notamment de cristal de roche, abondant en Bohême, travaillaient pour lui dans la capitale de l’Empire, la ville de Prague, où il résidait. C’est ainsi que naturellement ces artisans appliquèrent leurs techniques au cristal récemment mis au point.
Dès le XVIIe siècle, le volume des importations de verreries de table et d’ornementation fut très important auquel s’ajouta la lustrerie en cristal et de la bijouterie.
Ce lustre semble pouvoir être rapproché de l’œuvre de Johann Zech, artiste originaire de Bohème qui s’était installé à Saint-Pétersbourg et livra de très nombreux lustres pour les palais impériaux russes.
- Hauteur : 135 cm – 53 1⁄10 inches
- Diamètre : 115 cm – 45 1⁄4 inches
- R. Barois, J. Mouclier, Le cristal, Paris, Éditions Armand Colin, 1994.
- Jonathan Bourne, L’art du luminaire, Paris, Éditions Flammarion, 1992.
- K.A. Solovre, Russian Lighting 18th-19th Century, Moscow, State Publishing House, 1950.
Console en bois sculpté et doré à motif de coquilles et de fleurs
France, époque Louis XV, vers 1750
Attribué à Nicolas Heurtaut (1720−1771) ou Nicolas-Quinibert Foliot (1706−1776)
Bois sculpté et doré
Marbre brèche d’AlepEn bois doré, de forme mouvementée, elle est richement sculptée d’enroulements, de guirlandes de fleurs et de feuilles, avec, au centre, une coquille. Elle repose sur deux pieds galbés, ornés de feuilles d’acanthe, reliés par une entretoise centrée d’une coquille inversée, surmontée d’un important panier de roses. Le dessus est en marbre brèche d’Alep.
Le style « rocaille symétrisé classicisant »
Cette console participe à un style qualifié de « rocaille symétrisé classicisant », qui naquit vers 1753 et qui consiste en un juste milieu entre le rocaille et le classicisme antiquisant. En effet, sa forme rocaille est ici tempérée par une stricte symétrie et le panier chargé de roses, posé sur l’entretoise tout comme les pieds « rouleaux » rentrants, qui sont des éléments marquant d’un retour à un répertoire classique.
Le principal représentant de ce style fut l’architecte Pierre Contant d’Ivry (1698−1777) qui réalisait alors l’aménagement du Palais royal. Les formes de cette console présentent des éléments très proches de celles figurants sur un dessin de l’architecte Pierre Contant d’Ivry (1698 – 1777) réalisé pour la salle de jeu du Palais Royal à la demande du duc d’Orléans en 1753–1754. Seuls deux maîtres menuisiers semblent avoir travaillé selon les principes du « rocaille symétrisé classicisant » et peuvent donc être les auteurs de cette console : Nicolas Heurtaut et Nicolas-Quinibert Foliot.
Nicolas Heurtaut (1720−1771)
Fils de Claude Heurtaut, sculpteur en sièges, il se maria avec la fille du menuisier, Guillaume Antoine Destrumel. Il fut reçu maître sculpteur à l’académie de Saint-Luc en 1742. De 1742 à 1753, il exerçât comme sculpteur en sièges, rue de Cléry, pour les menuisiers Jean-Baptiste Tilliard, Jean-Baptise-Claude Séné et probablement Jean Avisse et Saint-Georges. En 1753, il fut reçu maître menuisier et s’installa rue de Bourbon, où il exerça comme maître sculpteur et maître menuisier de 1753 à 1771. Son atelier, cas unique dans l’histoire de la menuiserie en sièges et de l’ébénisterie au XVIIIe siècle, put ainsi menuiser et sculpter des sièges en toute légalité corporative.
Nicolas Quinibert Foliot (1706 – 1776)
Fils de Nicolas Foliot, menuisier en sièges, il fut reçu maître menuisier en 1729 et s’installa rue de Cléry. C’est à la suite du décès de son père, en 1740, qu’il commença à livrer pour le Garde-Meuble de la Couronne et ce jusqu’en 1775, date de sa retraite. Il était le représentant d’une importante dynastie de menuisiers en sièges comportant notamment ses trois frères, Gabriel, François et Toussaint, sculpteur en sièges, son fils Louis Quinibert et son neveu François Toussaint.
Nicolas-Quinibert livra régulièrement pour la Couronne en tant que menuisier du Garde-Meuble du Roi, titre qu’il dut acquérir en succession de son ère.
Parmi les quelques clients particuliers, on remarque le maréchal d’Estrées, le baron Bernstoff sous la direction de Contant d’Ivry ou Louise Elisabeth, fille de Louis XV et duchesse de Parme.- Hauteur : 85 cm – 33 1⁄2 inches
- Largeur : 125 cm – 49 1⁄4 inches
- Profondeur : 52cm – 20 1⁄2 inches
- Daniel Alcouffe, Yves Carlier, 18e aux sources du design, chefs‑d’œuvre du mobilier 1650- 1790, Paris, Éditions Faton, 2014.
- Bill G.B. Pallot, L’art du siège au XVIIIe siècle en France, Paris, ACR Éditions, 1987.
- Bill G.B. Pallot, Le mobilier du Musée du Louvre. Tome II : Siège et consoles (menuiserie) XVIIe et XVIIIe siècles. Paris, Éditions Faton, 1993.
Paire d’encoignures en laque de Coromandel et vernis européen
France, époque Louis XV, milieu du XVIIIe siècle
Estampillée DELORME
Adrien Faizelot Delorme (1722−1791)
Laque de Coromandel et vernis européen, bronze doré
Dessus de marbre en brèche d’Alep
Marques au C couronnéPublié dans
- Nicole Brugier, Les Laques de Coromanel, Paris, La Bibliothèque des Arts, 2015, p. 190.
*
Ces encoignures, de forme galbée, sont plaquées d’un panneau de laque de Coromandel sur la porte. Celui-ci présente un décor tripartite. Un drapé rose bordé d’or, à motifs de grues et de caractères chinois, orne les angles supérieurs et inférieurs droit de la première encoignure, et gauche de la seconde. Il s’ouvre pour découvrir des scènes de palais et de jardins. Le laque de chacune de ces encoignures semble provenir du même panneau. Les portes sont encadrées par des montants incurvés, en vernis européen au décor végétal. L’ensemble du décor est relevé par des bronzes dorés finement ciselés : encadrement de porte, sabots et tablier.
À l’intérieur, la porte est ornée d’un délicat motif de frisage associant bois clairs et sombres.
La laque de Coromandel
Les meubles en laque incarnent l’engouement pour l’exotisme au XVIIIe siècle. Des meubles en laque, paravents, coffres ou encore boîtes, étaient importés d’Asie. Objets de luxe et de convoitise, ils étaient ensuite dépecés afin de fournir une ornementation à des meubles de structure européenne, comme l’attestent ces deux encoignures.
Transitant par la côte de Coromandel, sur la côte Orientale de l’Inde, le terme de laque de Coromandel est aujourd’hui utilisé pour désigner ce que les chinois nomment Ke hui qui signifie littéralement « cendre incisée » ou Kuan Cai, « laque découpée et colorée ». Ces panneaux ont la particularité d’avoir été d’abord recouverts d’une couche d’argile tendre finement pulvérisée, sur laquelle a ensuite été posés un revêtement d’herbes fibreuses et une toile recouverte de laque avant que celle-ci ne soit ensuite incisée. Les parties dénudées, et donc en creux, étaient ensuite soit dorées, soit peintes avec une préparation sableuse additionnée de pigments colorés.
Adrien Faizelot Delorme (1722−1791)
Signalé par les almanachs du temps comme « l’un des plus habiles et des plus renommés pour les ouvrages de marqueterie », Adrien Faizelot Delorme fut reçu maître en 1748. Fils de l’ébéniste François Faizelot Delorme (1692−1768), il fut très tôt formé au métier. Son mariage en 1748 avec Catherine Madeleine Duval, veuve successivement des ébénistes Albert Potier et Pierre Guérard, lui permit de reprendre l’atelier de ce dernier, rue du Temple. Initié par son père à l’emploi des laques asiatiques, Delorme recourut également au vernis Martin.
Alors que la plupart des ébénistes travaillaient avec des marchands qui leur fournissaient les onéreux panneaux en laque de Coromandel, Adrien Faizelot Delorme fut un des rares à posséder ses propres panneaux.
Parallèlement il produisit de nombreux meubles marquetés, aux formes rocaille assagies, employant volontiers le bois d’amarante se détachant sur des fonds de bois de rose ou de satiné. Ses ouvrages proches de ceux de Criaerd, B.V.R.B., Latz ou Œben illustrent le moment de perfection tant vanté des arts sous le règne de Louis XV. Reconnu par ses pairs, il fut élu juré de sa communauté en 1766, puis en 1783 vendit son fonds de commerce et se retira de la profession.
Le poinçon au C couronné
Un édit de 1745 fait obligation aux bronziers de frapper leurs ouvrages d’une petite lettre distinctive : un C surmonté d’une couronne, les soumettant ainsi au règlement d’une taxe. Celle-ci s’appliquait « sur tous les ouvrages vieux et neufs de cuivre pur, de fonte, de bronze et autres, de cuivre mélangé, moulu, battu, forgé, plané, gravé, doré, argenté et mis en couleurs sans aucune exception ». Le 4 février 1749 un arrêt du Conseil mit fin à cette obligation qui fut vraisemblablement liée à la fin de la guerre de succession d’Autriche dont le financement avait occasionné la création de nombreux petits impôts.
Le texte précise qu’il concerne « tout ouvrage vieux ou neuf ». Il est donc possible de le trouver sur des pièces antérieures à 1745. Il suffit pour cela que l’objet soit soumis à une nouvelle couche de dorure ou qu’il passe dans le commerce au cours de ces quatre années. Tel est le cas de certains meubles d’André-Charles Boulle, d’époque Louis XIV, mais dont le succès s’est prolongé.
- Hauteur : 95 cm – 37 1⁄2 inches
- Profondeur : 52 cm – 20 1⁄2 inches
- Largeur : 73 ‚5 cm – 29 inches
- Daniel Alcouffe, Yves Carlier, 18e aux sources du design, chefs‑d’œuvre du mobilier 1650- 1790, Versailles, Château de Versailles, 2014.
- Nicole Brugier, Les laques de Coromandel, Paris, La Bibliothèque des Arts, 2015, p. 190.