Paire d’appliques à deux bras de lumière à décor floral
France, époque Régence, deuxième quart du XVIIIe siècle
Bronze doré et ciseléCes appliques au fût sinueux sont richement ornées de fleurs, qui s’épanouissent sur toute la longueur, soulignées par une large volute. Leurs bras de lumière, asymétriques, s’échappent de celle-ci et sont faits de rinceaux de feuillage mouvementés, naissant les uns des autres. Les binets et les bobèches sont également constitués de motifs végétaux et s’épanouissent comme des corolles. Les deux binets de chaque applique sont d’une forme différente. Le plus bas est pansu et sa partie supérieure est ornée de fins motifs feuillagés, le plus haut est de forme cylindrique, avec un décor de feuilles en godrons.
Des appliques Régence
Cette paire d’appliques à deux branches est caractéristique des modèles développés sous la Régence, période qui s’étend du décès de Louis XIV en 1715 à la majorité de Louis XV en 1723 durant laquelle Philippe d’Orléans exerça le pouvoir. Dans le langage artistique, elle ne peut cependant se résumer aux quelques années de présence au pouvoir de Philippe d’Orléans. S’étendant du tout début du siècle à 1730 environ, elle correspond à un moment d’intense créativité.
Marquée par l’épanouissement d’un esprit de jeunesse et de légèreté, une révolution artistique initiée à la toute fin du XVIIe siècle se poursuit alors. Dès 1699, Louis XIV écrit, en marge d’un projet de Mansart pour les appartements de la duchesse de Bourgogne au château de La Ménagerie, qu’il « y a quelque chose à changer, que les sujets sont trop sérieux et qu’il faut qu’il y ait de la jeunesse mêlée dans tout ce que l’on fera ». La légèreté et la gaieté des grotesques de Jean Bérain (1640−1711) d’abord, créées après 1680, et de Claude III Audran (1658−1734) ensuite, ouvrent la voie à une ornementation riante et à des formes chantournées dans le décor dont les bronzes dorés sont un témoignage majeur.
La cheminée est à cette époque le principal pôle d’intérêt d’une pièce, regroupant autour d’elle les accessoires en bronze doré parmi les plus remarquables comme les chenets, les flambeaux ou les girandoles, disposés sur le manteau, ou encore les bras de lumière fixés directement sur l’encadrement du trumeau de glace.
Ses nombreux objets d’art suscitèrent toute l’attention des créateurs de l’époque, qui imaginèrent une grande variété de formes. Les bras de lumière firent ainsi l’objet d’un foisonnement de dessins dont ceux d’André-Charles Boulle (1642−1732) marquent un jalon important. Connus par leur gravure de Jean Mariette (1660−1742), après 1707 et avant 1730, ils contribuèrent à faire émerger une esthétique plus légère où les ornements asymétriques se firent de plus en plus présents.
Ils correspondent également à la naissance d’un nouveau mode d’éclairage, la plaque étant alors détrônée par le bras, sur lequel les branches jouent un rôle décoratif aussi important que l’élément fixé au mur. Accrochés de part et d’autre des miroirs, leurs lumières démultipliées illuminaient la pièce d’un éclat supplémentaire.
Datable des années 1730, ces appliques sont représentatives de l’évolution de leurs formes durant la période de la Régence. Elles reprennent le principe développé au début du siècle associant à un fût assez discret des bras prenant de plus en plus d’importance. Le fût est ici encore marqué par l’esthétique du début du siècle, circonscrit dans une forme droite, le désir d’asymétrie transparaissant cependant dans la large volute constituant la trame principale du décor déjà complétement rocaille. Ce sont donc essentiellement les branches qui révèlent l’évolution en germe sous la Régence vers des lignes plus exubérantes, chacune étant traitée différemment, comme les tiges d’une plante imaginaire finissant par une bobèche qui évoque la corolle d’une fleur.
Le répertoire floral tout en légèreté fait de petites fleurs et de feuilles au naturel correspond également à l’esprit de jeunesse qui s’épanouit à cette période.
- Hauteur : 46 cm – 181⁄10 inches
- Largeur : 36 cm – 143⁄20 inches
- Pierre Verlet, Les bronzes dorés français du XVIIIe siècle, Paris, Éditions Picard, 1987.
- F.J.B. Watson, The Wrightsman collection. Vol. II, Furniture, gilt bronzes, carpet, New York, Metropolitan Museum of Art, 1966, p. 405.
- Gillian Wilson, Decorative arts in the J.-Paul Getty Museum, The J. Paul Getty Museum, Los Angeles, J. Paul Getty, 1977, p. 29.
Commode en bois de satiné et d’amarante ornée de bronzes ciselés et dorés
France, vers 1770
Estampillé J.H. RIESENER
Jean-Henri Riesener (1734−1806)
Satiné, amarante, bronze ciselé et doré
Dessus de marbre blancProvenance
- Descendance de Riesener
À léger ressaut central, elle présente, dans la ceinture trois tiroirs, et en dessous, deux tiroirs plus importants. Elle est ornée de bronzes ciselés et dorés tels que les frises, à motifs d’entrelacs et de feuilles de laurier, les encadrements à motifs de feuilles d’eau et de perles, les chutes ornées de volutes, de feuilles d’acanthe et de feuilles, les rosaces, les poignées formant anneaux à motif de feuilles de laurier, les entrées de serrures à rubans, le tablier à motif de feuilles d’acanthe, entourant un cartouche du même feuillage, et les sabots en forme de pattes de lion, surmontées de feuillage.
Jean-Henri Riesener (1734−1806)
Né à Gladbeck (Westphalie), Riesener arriva à Paris vers l’âge de vingt ans et effectua son apprentissage auprès de Jean-François Œben, ébéniste de Louis XV ayant ses ateliers à l’Arsenal. À la mort de ce dernier en 1763, il reprit l’atelier pour le compte de sa veuve qu’il épousa en 1767. Reçu maître le 23 janvier 1768, il reprit l’atelier et le logement de son maître à l’Arsenal où il resta au moins jusqu’en 1798 et acheva le fameux bureau à cylindre de Louis XV, commencé en 1760 et qui sera livré en 1769.
À la retraite de Gilles Joubert, en 1774, il est nommé ébéniste ordinaire du Mobilier de la Couronne et fournit au Garde-Meuble de la Couronne un nombre considérable de meubles illustrant toutes les facettes de l’ébénisterie. Il travailla non seulement pour la Cour mais pour les plus hauts personnages du Royaume : les frères du Roi, comte de Provence et d’Artois, Mesdames, filles de Louis XV, les ducs d’Orléans, de Penthièvre, de La Rochefoucauld, de Biron. Il contribua à décorer les résidences royales importantes, telles que Versailles, Fontainebleau, Trianon et Marly.
Lorsqu’en 1784 Thierry de Ville‑d’Avray devint intendant du Garde-Meuble de la Couronne, il exigea de Riesener qu’il présente des devis préalables, ce que le maître refusa de faire ; il fut alors remplacé par le marchand mercier Dominique Daguerre et l’ébéniste Guillaume Benneman. Riesener conserva toutefois les faveurs de la reine qui lui commanda tout le mobilier d’ébénisterie de Saint-Cloud.
- Hauteur : 94 cm – 37 inches
- Longueur : 152 cm – 59 1⁄2 inches
- Profondeur : 62 cm – 23 3⁄4 inches
- Daniel Alcouffe, La folie d’Artois, Paris, Antiquaire à paris, 1988, p. 209.
- Claude Bouzin, Meuble et artisanat, du XIIIe au XVIIIe siècle, Paris, Éditions de l’amateur, 2003, p. 191–192.
- Daniel Meyer, Le Mobilier de Versailles XVIIe et XVIIIe siècles, Tome 1, Dijon, Éditions Faton, 2002, p.72–73.
Fauteuil en bois mouluré, sculpté et laqué
France, époque Louis XVI, dernier quart du XVIIIe siècle
Georges Jacob (1739−1814)
Bois mouluré, sculpté et laquéProvenance
Louis Jean-Marie de Bourbon, Duc de Penthièvre (1725−1793), pour sa résidence à Nogent-sur Seine, puis au château d’Amboise
- Une étiquette : « Pour Monseigneur le Duc de Penthièvre à Nogent Chambre à coucher »
- Deux marques à l’ancre couronnée encadrée A B pour le château d’Amboise
Le dossier mouluré de ce fauteuil est de forme carrée. La ceinture simplement moulurée en creux repose sur quatre pieds fuselés à cannelures rudentées ornés d’une bague dans la partie haute. Les dés de raccordement au-dessus des pieds sont sculptés d’une rosace. Les consoles d’accotoirs de forme balustre présentent des cannelures rudentées et supportent les accotoirs terminés par des volutes.
Louis Jean-Marie de Bourbon, duc de Penthièvre (1725−1793)
Louis Jean-Marie de Bourbon, duc de Penthièvre (1725−1793), d’Aumale (1775), de Rambouillet (1737), de Gisors, de Châteauvillain, d’Arc-en-Barrois, d’Amboise, comte d’Eu et seigneur du duché de Carignan, est le petit-fils de Louis XIV et de sa maîtresse Madame de Montespan, et le fils unique de Louis-Alexandre de Bourbon (1678−1737), prince du sang légitimé, comte de Toulouse et de la duchesse Marie Victoire de Noailles.
Le jeu des successions fait de lui l’héritier du comte de Toulouse, mais aussi des deux fils de son oncle, le duc du Maine. Ses revenus annuels sont évalués à six millions de livres, ce qui fait de lui l’un des hommes les plus riches d’Europe. Il hérite également de nombreuses terres et résidences, plusieurs titres ducaux et princiers et des postes de Grand Amiral de France, Grand Veneur de France et Gouverneur de Bretagne. L’ancre formant la marque d’inventaire dérive de son titre de Grand Amiral. Nommé maréchal de camp en 1743, il devient lieutenant général des armées du Roi l’année suivante et combattit à Dettingen (1743), Fontenoy (1745) et Raucoux (1746).
Calme, tourné vers la vie contemplative, il renonce à sa carrière militaire après la mort prématurée de son épouse en 1754 et de son fils, le prince de Lamballe. Raffiné et protecteur des arts, il protège les artistes comme le poète Florian et se consacre aux voyages et à l’embellissement de ses nombreux biens fonciers parmi lesquels le château et le parc de Sceaux, le château de Rambouillet, qu’il vend au roi Louis XVI en 1783, d’Anet, d’Amboise, d’Aumale, de Bizy, de Chanteloup, de Dreux, de Gisors, etc ou encore le somptueux hôtel de Toulouse, actuel siège de la Banque de France, à Paris.
Aimé du peuple, il est nommé commandant de la Garde nationale et prête serment de fidélité à la nation et au roi. La mort tragique de la princesse de Lamballe, sa belle-fille, le 3 septembre 1792, assombrit ses derniers jours. D’un caractère doux et bon, sa popularité le protège et lui permet de mourir paisiblement dans son @château de Bizy en 1793, peu avant le décret d’arrestation des Bourbons et la confiscation de leurs biens.
La résidence de Nogent-sur-Seine
L’étiquette en papier inscrite à l’encre, vraisemblablement écrite et apposée dans l’atelier de Jacob, révèle que ce fauteuil était destiné à la chambre du duc à Nogent-sur-Seine. Situé au sud- est de Paris, cette résidence était entre le domaine du duc à Châteauvillain et ses propriétés dans et autour de la capitale. Elle consistait en une petite maison, décrite comme « une petite maison de Nogent sur Seine », où il séjournera pour interrompre le trajet entre ces propriétés. La modestie de cette demeure est démontrée par son acquisition pour le prix de 10 000 livres en 1787. À titre de comparaison, le duc avait acquis le château d’Amboise un an plus tôt pour quelque 4 060 000 livres (Jean Duma, Les Bourbon Penthièvre (1678−1793) : Une nébuleuse aristocratique au XVIIIe siècle, Paris 1995, p. 61).
Le château d’Amboise
Les initiales « AB » de chaque côté de la marque d’ancre révèlent que ce fauteuil a ensuite été placé et inventorié au château d’Amboise. Son emplacement, perché au-dessus de la Loire, stratégiquement placé pour verrouiller la Loire en amont de la ville de Tours, conduit à la construction d’une forteresse au XIe siècle qui demeure propriété de la famille d’Amboise pendant quatre siècles. Elle est cependant confisquée à Charles d’Amboise par Charles VI (1422−1461) en 1434, celui-ci ayant pris part à un complot, et à cette occasion elle entre dans le domaine royal. Plusieurs princes et princesses y sont alors éduqués dont Charles VIII, qui y est né et y a grandi. Probablement durablement marqué par le lieu de son enfance, c’est à lui que revient la décision de la transformation de l’ancienne forteresse en un véritable palais dans les dernières années du XVe siècle même si les travaux s’étendirent au-delà de sa mort brutale à Ambroise d’un malheureux coup à la tête contre un linteau de porte trop bas.
Le château, propriété des Valois au XVe et XVIe siècles, accueille régulièrement les séjours royaux et se situe non loin du Clos-Lucé, choisit par François Ier pour y installer Léonard de Vinci (1452−1519) de 1516 à 1519. Dernière demeure du grand peintre, la sépulture de ce dernier repose toujours dans la chapelle Saint-Hubert, attenante au château.
Au XVIIe siècle, le château est donné par Louis XIII à son frère Gaston d’Orléans, rebelle invétéré mais repris en 1631 par les armées royales et partiellement démantelé. Il fait ensuite fonction de prison d’état, accueillant entre autres Nicolas Fouquet et Antonin Nompar de Caumont, duc de Lauzun. Propriété pendant un bref moment d’Étienne-François, duc de Choiseul (1719−1785), puissant ministre de Louis XVI, qui l’acquit en 1761 en même temps que la propriété de Chanteloup, située juste à côté, avant d’être rachetée par la Couronne, il est cédé en 1786 à Louis-Jean-Marie de Bourbon, duc de Penthièvre qui y aménage des appartements à partir de 1789, où prend place ce fauteuil transféré de la demeure de Nogent- sur-Seine, autre propriété du duc.
La Révolution change définitivement le destin du château. En 1793, les autorités confisquent le château et son mobilier afin d’en faire un centre de détention ainsi qu’une caserne pour les vétérans des campagnes menées par les armées révolutionnaires.
Après avoir subi de nombreuses mutilations au XIXe siècle, il revient à la famille d’Orléans en 1873. En 1974, le comte de Paris le confie à la fondation Saint Louis dont il est le président- fondateur.
Georges Jacob (1739−1814)
Père fondateur d’une importante dynastie de menuisiers-ébénistes, les Jacob, qui dura sur trois générations de 1765 à 1847, George Jacob est né en 1739 à Cheny, un petit village de Bourgogne près de Sens, d’un père laboureur. Il vint à Paris en 1756 et entra en apprentissage chez le menuisier en siège Jean-Baptiste Lerouge en 1756.
Reçu maître menuisier le 4 septembre 1765, il s’installa rue de Bourbon et produisit alors de nombreux sièges de style Louis XV. En 1767, il épousa Jeanne- Germaine Loyer qui lui donna trois fils (dont deux seront menuisiers) et deux filles. À cette date, il était rue Beauregard, puis déménagea rue de Cléry et définitivement rue Meslée (devenue rue Meslay) en 1775. À partir de 1781, il fut nommé à diverses fonctions dans la corporation des menuisiers-ébénistes, il devint ainsi syndic-adjoint (1788), puis syndic (1789).
À partir de 1777, George Jacob commença à réellement travailler pour la Couronne, en meublant les appartements du comte d’Artois au palais du Temple et au pavillon de Bagatelle. Avec l’arrivée en 1784 du nouvel intendant général des Meubles de la Couronne, Thierry de Ville d’Avray, et du nouveau ministre des Finances, Calonne, décidant d’une mise à neuf des résidences royales, Georges Jacob devint l’un des menuisiers attitrés de la Couronne, au même titre que Jean-Baptiste Boulard et Jean-Baptiste-Claude Séné, ou parfois en association avec eux. Il fournit au Garde Meuble royal et aux Menus plaisir des sièges pour les résidences de Versailles, du Petit Trianon, de Fontainebleau, de Saint-Cloud et de Rambouillet.
Il avait aussi une clientèle particulière de choix : les comtes d’Artois et de Provence (auquel il livra quelques deux mille cinq cent cinquante-huit articles entre 1781 et 1786), les ducs de Penthièvre, de Chartres et de Choiseul, les princes de Condé et de Conti…
Sa réputation s’étendit au-delà des frontières ; les Princes allemands, le futur George IV d’Angleterre, Gustave III de Suède, ont eu également recours à lui.
Nous ne savons quelle était l’importance exacte de son atelier, mais étant donné sa grande production, il devait avoir dix à quinze établis (soit une vingtaine de personnes) et une forte sous-traitance bien organisée. Jusqu’en 1791 cet atelier ne fit que de la menuiserie en siège et un peu de menuiserie en bâtiment.
Au contact direct des ornemanistes, des peintres, des architectes, des clients fortunés et du Garde-Meuble, il travailla d’après les idées les plus nouvelles appliquées aux sièges.
Il participa activement aux grands courants stylistiques de la période Louis XVI :
- au « goût turc » avec les sièges qu’il fournit au comte d’Artois en 1777 et 1781
- au goût néo-antique » en réalisant en trois dimensions les dessins novateurs du peintre Jacques-Louis David (1784)au goût chinois, avec les sièges exotiques de la marquise de Marbeuf, du duc de Penthièvre ou de la princesse Kinsky (1785−1790)
- à l’« anglomanie » avec la vogue des sièges en acajou et des dossiers ajourés (1780−1790)
Il sut alors se forger une manière qui lui est particulière : rigueur des proportions, générosité des bois, sculpture répandue sur tous les bois, perfection de cette sculpture.
Avec la Révolution, la condamnation et l’émigration de ses clients, Georges Jacob connut ses premières difficultés financières. Fournisseur de la cour et de l’aristocratie, il fut plusieurs fois dénoncé au Comité de salut public mais reçut la protection de son ami le peintre David grâce auquel il reçut des commandes pour la salle d’Assemblée des Tuileries (1793)
La loi Le Chapelier (1791), supprimant le régime des corporations, apporta une bouffée d’oxygène à son atelier. Il put alors, en toute légalité, diversifier sa production, passant de la simple menuiserie en sièges à l’ébénisterie et à sa monture en bronzes.
En 1796, il céda son fonds de « boutique » et loua son atelier à ses deux fils, Georges II (1768- 1803) et François-Honoré-Georges (1770−1841). Ceux-ci travaillèrent alors sous la raison sociale « Jacob Frères », Georges Jacob n’ayant qu’un rôle de conseiller. En 1803, la mort de Georges II Jacob incita Georges Jacob à reprendre son l’activité en s’associant avec son fils, sous la raison sociale « Jacob-Desmalter et Cie » (du nom d’une propriété familiale en Bourgogne). Une véritable entreprise fut créée, employant jusqu’à 350 ouvriers. Important fournisseur de l’empire, la chute de celui-ci compromis gravement la prospérité de l’entreprise qui fit faillite en 1813, contraignant Georges Jacob, solidaire de son fils, à se réfugier à Chaillot dans l’asile pour vieillards de M. Chayla. C’est là qu’il mourut en 1814, sans avoir vu renaître l’entreprise sous la Restauration, dirigée à nouveau par son fils François-Honoré-George Jacob- Desmalter puis par son petit-fils Alphonse Jacob-Desmalter.
- Hauteur : 92 cm – 36 1⁄4 inches
- Largeur : 65 cm – 25 1⁄2 inches
- Profondeur : 55 cm – 21 3⁄5 inches
- Michel Beurdeley, George Jacob (1739−1814) et son temps, Paris, Édition Monelle Hayot, 2002.
- Honoré Bonhomme, Le Duc De Penthièvre (Louis-Jean-Marie De Bourbon) : Sa Vie, Sa
- Mort (1725−1793) D’après Des Documents Inédits, Paris, Firmin Didot, 1869.
- Jean-Jacques Gautier, Bertrand Rondot, Jean Vittet (dir.), Le château de Versailles raconte le mobilier national : quatre siècles de création, catalogue d’exposition, Versailles, Musée national du château de Versailles et de Trianon, 2011, p. 119 et p. 135.
- Bill G.B. Pallot, Le mobilier du musée du Louvre, Tome 2, Paris, Édition Faton, 1993.
- Juliette Trey (dir.), Madame Élisabeth, une princesse au destin tragique, 1764–1794, catalogue d’exposition, Milan, Silvana Editoriale, 2013.
Paire de petites girandoles-candélabres à six bras de lumière
France, époque Louis XIV, vers 1700
Bronze ciselé et doré, cristal de roche et verre soufflé*
Ces girandoles reposent chacune sur une base circulaire moulurée à doucine inversée. Sur la coupole basse, s’élève le fût central en balustre qui supporte les six bras de lumière en forme de S (montés à goupilles) et se prolongent par des bassins circulaires supportant eux-mêmes huit pendeloques en forme de poires à facettes et se terminant par des bobèches unies.
Le fût s’élève par une tige en métal cernée verticalement de chapelets de billes à facettes et olives, jusqu’au motif du sommet en bronze ajouré et élaboré, en forme de trèfle stylisé.
Il est ponctué de trois rouelles disposées en rayons de longueurs décroissantes comportant chacune six tiges habillées de billes torsadées se terminant par une rosace épanouie à sept pétales, au bout de laquelle pend une poire à facettes.
Le niveau inférieur est disposé obliquement et est rattaché au fût par de petites perles dont certaines sont en verre de couleur verte.Le second niveau est constitué de doubles rayons-tiges (douze) disposées pour les uns horizontalement et obliquement pour les autres, en alternance autour du fût, s’achevant chacun par une rosette et une poire.
Les obliques sont également maintenues par de petites perles vertes et en cristal.Le troisième niveau à six tiges disposées en étoile se termine par une poire à facettes.
Les girandoles au XVIIe siècle
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, ce type de candélabre était appelé girandole, car les bras sont disposés autour d’un axe central un peu comme les rayons d’une roue. Le terme est dérivé du girare italien qui signifie tourner, et de la girandola, un appareil pyrotechnique qui tournait comme une roue horizontale.
En 1690, dans le dictionnaire universel de Furetière, le terme girandole était défini comme « un chandelier composé de plusieurs branches et bassinets qui aboutit en pointe, et qui a un pied servant à le poser sur des buffets ou de hauts guéridons ». L’ensemble est orné de perles de cristal de roche, de verre ou de pierres semi-précieuse afin de créer un grand nombre de surfaces réfléchissantes afin de produire autant d’éclat que possible.
Ces luminaires se développèrent au milieu du XVIIe siècle et apparaissent pour la première fois dans les inventaires royaux français vers 1660.
Les girandoles de petites tailles, à l’image de celles-ci, étaient généralement placées sur des tables ou guéridons torchères dont la hauteur variait entre 0,90 m et 1,80 m. Elles comportaient trois à sept bras de lumières et étaient ornées de plaquettes et perles à facettes en cristal de roche. Vers 1670, le cristal de roche étant cher, les girandoles et les lustres furent progressivement fabriqué en France avec des éléments en verre, suivant les mêmes modèles que ceux en cristal de roche ; à la fin du siècle, le verre avait presque entièrement remplacé le cristal de roche. Dans les inventaires de cette période il est par ailleurs difficile de dire quel matériau a été utilisé, car le verre portait le nom de cristal en France.Ce matériau servait à réfléchir la lumière des bougies qui, bien choisi et travaillé « faisait jouer la lumière sans aucun équivalent ».
Exemple d’acquisition de girandoles par Louis XIV
On peut lire dans le registre du garde-meuble de la Couronne en date du 26 février 1691 :
« apporté de l’hôtel Colbert céans (ici) quarante girandoles de cristal à six branches et six bobèches et en haut une septième bobèche qui termine que le Roy a fait acheter à l’inventaire des meubles de feu monsieur le marquis de Seigneley (Colbert), … le Roy en a donné douze à S.A.R. Monsieur frère unique de sa Magesté, lesquelles douze girandoles j’ay aujourd’hui … délivré ».
Les vingt-huit autres furent envoyées au miroitier De la Roue afin d’être modifiées et surmontées d’une fleur de lys.
Elles furent ensuite placées dans les appartements royaux du château de Versailles.
Après la fonte du mobilier d’argent en 1689, Louis XIV s’était fait présenter « des girandoles de cristal à six branches de cuivre doré à consoles, garnies de cristal, faites pour modèle pour la Grande Galerie de Versailles ».Lors d’un bal donné pour la Duchesse de Bourgogne à Versailles en 1700 « il y avait sur tous les pilastres les demi-girandoles à cinq branches d’argent. Ces girandoles… ont été nouvellement inventées par M. Bérain ».
- Hauteur : 37,5 cm – 14 3⁄4 inches
- Diamètre : 30,5 cm – 12 inches
- Gillian Wilson, Charissa Bremer-David et Jeffrey Weave, “French furniture and Gilt Bronzes – Baroque and Régence” , Catalogue of the J. Paul Getty Museum Collection, The J. Paul Getty Trust 2008. N°33, pages 292 à 295.
- Peter Thornton, XVIIth century Interior Decoration in England, France and Holland, chapitre XI, p. 268 à 281, ill n°2 et 270 (p. 227) dessin illustré p. 298, Yale University press, New Haven et London, 1981.
Pendule monumentale Neptune et Diane
France, époque Louis XVI-Directoire, vers 1795
Bronze ciselé et doré
Marbre blanc
Cadran en émail blanc signé Bourdier
Jean-Simon Bourdier (vers 1760-†1839)Provenance
Ancienne collection Jean Lanchère de Vaux (1727−1805), présente dans son inventaire après-décès du 18 pluviose an XIII (7 février 1806), lot 488 et dans la vente après-décès, à l’hôtel d’Orrouer, le 16 avril 1806, lot 47
*
L’ensemble s’inscrit dans une caisse entièrement réalisée en bronze très finement ciselé et doré à l’or mat ou or bruni et marbre blanc dit « de Carrare ». Le cadran signé Bourdier indique les heures en chiffre romains, les minutes par tranche de cinq et les jours calendaires en chiffre arabes par trois aiguilles, dont deux en cuivre repercé et doré et la dernière en métal.
La boite circulaire renfermant le mouvement à sonnerie des heures et demi-heures, est surmonté d’un nuage accueillant deux Zéphyr nus ailés se regardant.
Le tout repose sur une base quadrangulaire, à double décrochements, côtés arrondis et corniche, ceinturée d’un tore de feuilles de laurier et d’une frise de perle en bronze doré. La partie centrale est agrémentée d’un bas-relief en bronze doré en réserve au thème du triomphe d’Amphitrite encadré de deux branches feuillagées verticales également en réserve. Deux guirlandes de feuillage festonnée ornent les côtés arrondis. Cette base est surmontée d’une seconde base plus étroite et concave, ceinturée d’une frise de perles et d’une frise enrubannée, agrémentée de deux bronzes à thème végétaux aquatiques en réserve sur les côtés de la face.
La partie supérieure de la pendule, sur laquelle repose le cadran, est en forme de rocher d’où s’écoule une source en bronze doré dans une vasque en marbre encadrée de végétaux aquatiques. Elle est flanquée de deux personnages assis figurant Neptune et Diane. Ces derniers sont reconnaissables à leurs attributs. Neptune, le dieu de la mer, est représenté avec une barbe, couronné de végétaux aquatiques. Il tient une jarre renversée tandis que Diane, divinité de la nuit et de la chasse, tenant une coquille, et est reconnaissable au croissant de lune qui orne sa tête et au chien à ses pieds.
Cette spectaculaire pendule se distingue notamment par ses dimensions monumentales et surtout par sa provenance du XVIIIe siècle. En effet, Jean Lanchère de Vaux (1727−1805) possédait deux exemplaires de ce modèle, la nôtre par Bourdier et une autre par Deliau. Elle est signalée dans son inventaire après-décès sous le numéro 488 : « […] une pendule de modèle de fleuve & Diane, marquant l’heure & les minutes, le mouvement signé fait par Bourdier prisé quatre mille francs[1] ».
Le triomphe d’Amphitrite
Le bas-relief qui orne la base de cette pendule est emblématique du goût pour le triomphe marin qui anime le XVIIIe siècle finissant. Il représente le Triomphe d’Amphitrite, l’épouse du Dieu de la mer, Neptune, et sa composition est à rapprocher du célèbre bas-relief de Clodion conservé à Copenhague au Statens Museum et des différentes interprétations qu’il inspira. Les différentes créatures marines et l’élan donné au sujet semblent illustrer presque littéralement la description du triomphe d’Amphitrite donnée par Fénelon dans Les aventures de Télémaque publié en 1699 et sans cesse reprise par les artistes du XVIIIe siècle tels que le peintre Natoire, Clodion ou Joseph-Charles Marin : « nous aperçûmes des dauphins, couverts d’une écaille qui paraissait d’or et d’azur (…) Après eux venaient des tritons qui sonnaient de la trompette avec leurs conques recourbées (…), le char de la déesse Amphitrite était une conque d’une merveilleuse figure (…) une troupe de nymphes couronnées de fleurs nageait en foule derrière le char (…) Une grande voile flottait dans les cieux au-dessus du char ; elle était à demi enflée par le souffle d’une multitude de petits zéphyrs qui s’efforçaient de la pousser par leur haleine ». Ce thème du triomphe marin connut un grand succès car il offrait le prétexte à la mise en place d’une composition ambitieuse aux multiples personnages bien caractérisés.
Jean-Simon Bourdier (vers 1760 – †1839)
Jean-Simon Bourdier fut l’un des plus importants horlogers parisiens qui assura la transition entre les XVIIIe et XIXe siècles. Ayant accédé à la maîtrise le 22 septembre 1787, il connut immédiatement une grande notoriété. La perfection de ses mécanismes lui valut des commandes prestigieuses dont celles destinées au roi d’Espagne, Charles IV, et la collaboration d’artistes et d’artisans majeurs comme les ébénistes Jean-Ferdinand Schwerdfeger et Georges Jacob, le ciseleur-doreur François Rémond et les peintres-émailleurs Dubuisson et Coteau. Il travailla pour les marchands de son temps qui lui assurèrent cette renommée internationale, notamment Daguerre et Julliot.
Jean Lanchère (1727−1805)
Originaire d’Angoulême, Jean Lanchère fit sous l’Ancien Régime une ascension remarquable jusqu’à être nommé Maître des Postes de Versailles grâce à la protection du duc de Polignac. Anobli en 1779, devenu seigneur de Vaux (près d’Angoulême) et de Plaisat, il ne continua pas moins de bâtir une fortune colossale sous la Révolution en devenant entrepreneur général des chevaux de l’artillerie, secondé par son fils aîné, François, tandis que son cadet, Jean- Barthélémy prenait les rênes des postes de Paris.
Jean Lanchère prit en charge en 1796 les transports de l’armée de Sambre-et-Meuse et ceux de l’armée d’Italie. Le 6 pluviôse an VI, soit le 25 janvier 1798, il acheta le château de Maisons (actuel Maisons-Laffitte) pour une valeur nominale de 948 000 francs ; il le revendit en l’an XIII (1804−1805) au maréchal Lannes, pour un prix réel de 450 000 francs.
Domicilié à Paris, d’abord rue de Seine, Lanchère acheta en 1798 à la marquise de Flamarens l’hôtel d’Orrouer (actuel 87 rue de Grenelle). C’est là que se tint en 1806, un an après sa mort, la vente de sa collection : furent dispersés sous l’autorité de l’expert Alexandre Paillet, tableaux, meubles et objets d’art dont vingt-et-une pendule qui constituaient les lots les plus remarquables de la vente. Au n°47 était d’abord mentionnée notre pendule : « une forte pendule en marbre blanc, enrichie de Figures allégoriques et accessoires en fonte dorée au mat. Cette pièce, désignée sous le titre du Modèle du Fleuve et de Diane, mouvement de Bourdier, à Paris ». Était ensuite décrite sous le lot 48 : « une pendule, même modèle et ornements de la précédente, du nom d’Eliau, à Paris, marquant les Phases de la Lune, signes du Zodiaque, mois de l’année, Heures, Minutes et Secondes. » Cette dernière, anciennement dans la collection Balkany (vente Sotheby’s Paris, 20 septembre 2016, lot 52) est signée Deliau au revers de la base et porte la date de sa commande, 1796.
[1] « Item un coffre en acajou monté de colonnes de marbre blanc ordre corinthien garnies de bronze ; surmonté de casques guerriers dans lequel est un jeu de flutes, couronné d’une pendule de modèle de fleuve & Diane, marquant l’heure & les minutes, le mouvement signé fait par Bourdier prisé quatre mille francs »
- Hauteur : 75 cm – 29 1⁄2 inches
- Largeur : 82 cm – 32 inches
- Profondeur : 26 cm – 10 1⁄4 inches
- Archives Nationales (Marais), « Inventaire après-décès : Lanchère, Jean. Grenne (rue de), n°372/ Versailles (Yvelines), Colonne (place de la)n n°6.Passy, Franklin (rue) », Minutes, an XIII, pluviose, 18 pluviose an XIII (7 février 1805), MC/ET/XLIV/740.
- Notices d’objets curieux de tous genres, après le décès de M. et Mme Lenchère […], à Paris, chez Alex Paillet, le. 16 avril 1806 (inv. RES W1806 avril)
- Louis Bergeron, Banquiers, négociants et manufacturiers parisiens du Directoire à l’Empire, Paris, Mouton Éditeur & École des Hautes Études en Sciences Sociales, 1978, p. 345. Madeleine Fouché, La poste aux chevaux de Paris et ses maîtres de postes à travers les siècles, Paris, Nouvelles Éditions Latines, 1975, pp. 52–59.
- Burton B. Fredericksen, Répertoire des tableaux vendus en France au XIXe siècle, Los Angeles, Getty Publications, 1998, vol. 1, p. 33, n° 100.
- Anne L. Poulet, Guilhem Scherf, Clodion, 1738–1814, Paris, Musée du Louvre, 1992, pp. 181–183.
- Guilhem Scherf, « Autour de Clodion : variations, répétitions, imitations », Revue de l’Art, n° 91, 1991, p. 47
- François de Salignac de Mothe-Fénelon, Les aventures de Télémaque, livre IV, Paris, chez la Veuve Delaulne, 1730, pp. 80–81.
Paire de médaillons en verre églomisé représentant le château de Saint-Cloud et l’Arsenal de Berlin
France, première moitié du XVIIIe siècle
Or et argent sur plaques de verre églomisé
Marquées en haut « Veüe du château de St Cloud » et « Veüe de l’Arsenal de Berlin »De forme ovale, ces deux plaques en verre églomisé présentent respectivement une vue du château de Saint-Cloud et une vue de l’Arsenal de Berlin.
Au premier plan de la « veüe du château de St Cloud », marchant sur un espace pavé, se tient un homme en tenue de cour promenant son chien. Face à la grille, un autre homme et son fils regardent le château. Au milieu, figure un portail richement armorié. Derrière, on voit le corps central du château et deux ailes, avec de nombreuses fenêtres, de riches colonnes et des frontons. De la fumée sort d’une des cheminées. La bordure de la plaque est constituée de trois frises cornées de filets dans les tons d’argent et or. La frise centrale est ornée de motifs d’écailles de poissons superposées, ponctuée de huit petits médaillons ovales formés par des sortes d’entrelacs.
Au premier plan de la « veüe de l’arsenal de Berlin », sur un espace pavé, un homme vu de dos s’éloigne en marchant vers l’une des ailes de l’arsenal. Deux personnages discutent et un chien debout sur ses pattes arrière, semble vouloir jouer. Très légèrement à droite, circule un carrosse armorié entraîné par deux chevaux. Transportant une dame, il est dirigé par un cocher et un valet en livrée. Derrière, figure le palais aux très nombreuses fenêtres, qui est richement orné de colonnes, trophées et sculptures particulièrement au-dessus du balustre près des toits. De la fumée s’échappe de l’une des cheminées. La bordure de la plaque est semblable à celle du château de Saint-Cloud.
Chaque cadre en bois doré est sculpté de motifs affrontés à enroulements d’où s’échappent de chaque côté des tiges fleuries et feuillagées, ponctuées de cartouches, le tout sur fond de grains d’orge. En léger retrait, une autre frise figure des feuillages. La frise extérieure est constituée de godrons.
La technique du verre églomisé
Technique remontant à la période de l’Antiquité, le verre églomisé consiste à fixer une mince feuille d’or ou d’argent sous le verre, à exécuter le dessin à la pointe sèche sur le support puis à maintenir ce dernier par une seconde plaque de verre.
Ce procédé utilisé en Bohême sous le nom de « Zwischengoldglässer » ne possède pas d’équivalent en Français.
Marchand d’estampes, dessinateur, graveur et expert des ventes à Paris au XVIIIe siècle, c’est Jean-Baptiste Glomy (1711−1786) qui remit ce procédé à la mode. Associé au marchand Helle, il publia un catalogue raisonné des eaux fortes de Rembrandt. Il utilisa notamment ce procédé pour encadrer ses gravures en les cernant d’un filet d’or, donnant par la suite son nom à cette technique.
L’Arsenal de Berlin
L’Arsenal de Berlin, actuel musée historique allemand, est l’un des plus importants bâtiments baroques allemand. Situé sur l’avenue Unter den Linden, le premier projet de bâtiment fut conçu en 1685 par l’architecte français François Blondel (1618−1686) sur mandat du « Grand Electeur », Frédéric-Guillaume Ier de Brandebourg. Pour des questions financières, ce n’est qu’on 1695 que le fils et successeur de Frédéric ‑Guillaume, Frédéric III, futur Frédéric Ier de Prusse posa la première pierre pour la construction du bâtiment. Les travaux se poursuivirent de 1695 à 1706 en face du palais Hohenzollern et firent intervenir quatre architectes : Johann Arnold Nering, Martin Grünberg, Andreas Schlueter et enfin Jean de Bodt. L’édifice, qui servait d’arsenal, exprimait la revendication de souveraineté du jeune électorat. Il est constitué de quatre ailes de quatre-vingt dix mètres de longueur chacune autour d’une cour intérieure dont on peut percevoir l’harmonie classique stricte sur ce verre églomisé, adoucis par de riches sculptures baroques.
L’ensemble fut transformé en musée sous l’impulsion de l’empereur Wilhelm I de 1877 à 1880 qui fit procéder à d’importantes modifications architecturales afin d’adapter le bâtiment dont en particulier l’installation d’une verrière sur la cour intérieure et d’un escalier intérieur. Après de graves destructions pendant la Seconde Guerre mondiale, l’arsenal a été reconstruit à partir de 1948. Plus récemment, il a également connu une importante rénovation entre 1999 et 2003 selon les plans de l’architecte Winfried Brenne qui ont permis de retrouver les sculptures architecturales et la façade de couleur rose de la période baroque. Il accueille depuis 1990 le musée historique allemand.
Le château de Saint-Cloud
Débutée au XVIe siècle, l’histoire du château de Saint-Cloud et de son parc est marquée par l’année 1577, date à laquelle Catherine de Médicis (1519−1589) offre à Jérôme de Gondi, banquier d’origine florentine, l’hôtel d’Aulnay, acquis par la couronne quelques années auparavant sur le flanc du coteau dominant la Seine. Devenu une élégante demeure Renaissance surplombant un jardin en terrasses suite à d’importants travaux, le château passe ensuite entre les mains du banquier protestant Barthélemy Hervart en 1654. Après avoir fait construire une nouvelle aile reliée au bâtiment ancien, ce dernier est contraint dès 1658 de céder le domaine à la couronne afin de permettre à Philippe d’Anjou, futur duc d’Orléans et frère du roi, de posséder une résidence aux portes de la capitale. Passionné par Saint-Cloud, il confie le soin de l’embellir à l’équipe formée par Le Nôtre, jardinier et contrôleur général des bâtiments du roi et les architectes Le Pautre et Hardouin-Mansart. Conservant le logis initial qui devient l’aile sud du château et où prennent place les appartements princiers, il fait construire un corps de bâtiment central qui accueillera la suite royale et la chapelle, et une aile nord dans laquelle est installée la Galerie d’Apollon dont les décors sont confiés à Pierre Mignard. L’ensemble prend alors la forme en U autour d’une cour d’honneur rectangulaire que l’on voit sur ce tableau. Toujours bienveillant, Monsieur admettait librement le public, même lors des visites royales, et laissait les véhicules parcourir le bas-parc. La scène située au premier plan de de ce verre églomisé où l’on voit un homme se promenant avec un chien tandis qu’un autre accompagné d’un enfant auquel il semble donner des explications en regardant le château illustre l’habitude qu’avait prise les contemporains de pouvoir accéder à proximité de ce dernier dont ils sont séparés ici par une grille.
En février 1785, Louis XVI achète le château à son cousin Philippe, futur « Philippe Egalité », pour la reine Marie-Antoinette. L’architecte de la reine, Richard Mique, effectue une reconstruction partielle et un aménagement nouveau des espaces intérieurs, travaux qui dureront jusqu’en 1788. Assignée à résidence aux Tuileries à partir du mois d’octobre 1789, la famille royale est autorisée à séjourner à Saint-Cloud pendant la belle saison. Le 1er novembre 1790, la cour quitte Saint-Cloud. Devenu bien national, le château n’est plus habité sous la Révolution et ses meubles sont vendus.
Remis en état à la demande de Napoléon, il devient résidence d’été des souverains au XIXe siècle. Après la déclaration de guerre à la Prusse, les plus importantes œuvres d’art du château sont transférées au Mobilier national et au Palais du Louvre. Investi par les troupes prussiennes, le château est incendié en 1870, un obus français destiné aux batteries prussiennes postées dans le parc ayant malencontreusement explosé dans la chambre de l’Empereur.
Trop intimement lié aux souvenirs de la monarchie et de l’Empire, le bâtiment resté à l’état de ruine pendant vingt ans est rasé en 1892.
- Hauteur : 18 cm – 7 1⁄8 inches
- Largeur : 24 cm – 9 3⁄4 inches
- Hauteur (avec cadre) : 28,5 cm – 11 1⁄4 inches
- Largeur (avec cadre) : 36 cm – 14 1⁄8 inches
- Rudy Eswarin, « Terminology of verre églomisé », in Journal of Glass Studies, Vol. 21, 1975. Paul Guth, « Toute la vérité sur le verre églomisée », in Connaissance des Arts, n°66, août 1957, p. 28.
- W.B Honey, « Gold engraving unde glass », in The Connoisseur, n°92, décembre 1933.
- F.A Montenay, Saint Cloud, une vie de château, Vogele Edition, Genève, 2005. F. Sydney Eden, « Verre églomisé », in The Connoisseur, n°32, juin 1932.
Paire de torchères-guéridons à motifs de lambrequins
France, époque Louis XIV- Régence, vers 1725
Bois sculpté, ajouré et doréChacune des deux torchères présente un dessus circulaire, un fût central hexagonal et une base triangulaire. La tranche du plateau circulaire est ornée d’un motif de ruban sinueux courant tout autour en décrivant une frise de fleurons alternés sur fond de croisillons.
Le plateau repose sur un socle conique inversé à décor de chutes de feuilles, de fleurons et de côtes disposés en alternance, puis un fût hexagonal panneauté et sculpté sur chacun d’entre eux de coquilles enveloppantes, également appliquées sur fonds de grands croisillons.
Ce fût est supporté par un contre-socle hexagonal azuré qui s’élève à partir d’un épaulement triangulaire dont la partie supérieure est ornée d’un cabochon évoquant des rognons sur un lit de feuilles d’acanthe orientées vers le haut.
Le rebord des épaulements en fronton est agrémenté de pointes de feuilles appliquées sur des croisillons et est incurvé en forme d’arc sur ses trois côtés. Sous chaque voûte, figure un lambrequin contenant une chute feuillagée supportant des glands, également sur fond de grands croisillons. Trois grandes grenades sont disposées en alternance avec les lambrequins.
Au sommet du grand fût hexagonal se trouve une moulure à tores et sur ses côtés figurent trois larges montants verticaux sculptés en alternance avec trois autres montants plus étroits, tous sculptés de chutes feuillagées et de fleurons. Les chutes feuillagées des panneaux les plus étroits se répètent symétriquement au-dessus et sous une fleur épanouie située au milieu sur fond azuré. Sur les panneaux les plus larges, ils s’élèvent au-dessus et sous un pilastre ionique tronqué sur fond de grands croisillons pointés.
À partir d’un pommeau ajouré dont le centre est composé d’un ornement de trois coquilles superposées et stylisées, s’élève le fût central. Celui-ci repose sur une base triangulaire concave évasée, dont le col est agrémenté d’un décor de plumes, au-dessus d’un socle à compartiments horizontaux embellis de volutes et de rosaces.
Le fût repose sur trois riches pieds à enroulements et rosaces circulaires à décors d’azurés et feuilles d’acanthe, reliés aussi par un double piétement ajouré à décor central de rosette. Le tout repose sur des sabots à patins rectangulaires et de petites plinthes.
Des torchères d’esprit et de taille très similaires existent, incluant celles du Getty Museum. Deux autres torchères appartenant au musée des arts décoratifs de Paris pourraient approcher la richesse de leur ornementation. Les dessins et gravures de Daniel Marot, publiées dans les premières années du XVIIIe siècle, rappellent celles en argent des palais royaux dans les années 1680 mais aucun des exemplaires survivants connus ne correspondent exactement à la description de ceux de Versailles. La taille des exemples de ce type est variable, de 134,5 à 173,3 cm, la hauteur de ceux du Getty Museum.
L’usage des torchères
Aux XVIIe et XVIIIe siècles en France, les torchères servaient surtout à supporter des flambeaux, candélabres ou girandoles, mais elles pouvaient aussi présenter des vases.
Les sources de l’époque indiquent que ce type de porte-torchères était appelé « guéridons » et ceux du modèle décrit ci-dessus, mesurant plus de 90 cm ou 130 cm, étaient parfois cités comme
« torchères ». C’est ainsi qu’en 1690, Antoine Furetière définissait dans le Dictionnaire universel le terme de guéridon comme « meuble de chambre qui sert à porter les flambeaux, des vases, etc. Il est composé d’un pilier ou colonne de bois ou d’argent entre deux pièces rondes, l’un par en bas pour le soutenir, et l’autre par en haut pour porter ce qu’on met dessus.
Quelques années plus tard, en 1696, le Dictionnaire de l’Académie présentait la définition des torchères comme « une espèce de guéridon fort élevé sur lequel on met un flambeau, une girandole, des bougies, dans les salles des palais, des grandes maisons » et plus d’un demi-siècle plus tard, l’une des définitions de torchère était « une espèce de grand guéridon dont le pied, qui est triangulaire, et la tige, enrichis de sculpture, soutiennent un plateau pour porter de la lumière. » Conçues en paires, les torchères pouvaient ainsi flanquer des tables de présentation et des miroirs et plusieurs paires pouvaient être commandées pour être placées contre les murs ou dans les angles des pièces.
Peter Thornton note qu’elles étaient réalisées en plusieurs hauteurs : d’environ 80 à 90 cm pour les tables à jeux, les moyennes de 120 à 140 cm, et les hautes de 170 à 180 cm pour de grandes pièces plus formelles.
Cet élément mobilier complétait généralement l’éclairage des lustres mais permettait aussi de s’éclairer sans devoir allumer des lustres dont les bougies noircissaient les décors picturaux des plafonds.
Sous Louis XIV, les torchères, le plus souvent en bois doré, en placage d’écaille et laiton ou même en argent pour le roi sont assorties et font parties d’un ameublement composé d’une table et de guéridons. Elles sont alors constituées d’une base tripode, supportant des personnages de la mythologie, des « maures » pittoresques ou des enfants formant de véritables sculptures en ronde bosse, coiffés d’un petit plateau circulaire ou octogonal.
Les gravures du mobilier d’argent réalisé à l’instigation de Colbert sous la direction artistique de Charles Le Brun pour la Galerie des Glaces et les appartements d’état de Versailles ainsi que d’autres châteaux royaux illustrent de façon magistrale l’effet obtenu par l’usage de ces éléments de mobilier. L’ensemble de ces torchères fut fondu en 1689 pour financer les guerres et remplacé par des torchères en bois sculpté et doré, évocatrices de l’évolution des formes dans les dernières années du XVIIe siècle. En effet, les montants des torchères empruntèrent alors l’aspect de termes ou de gaines sculptées comme celles de 1690 décrites dans les inventaires comme « soixante grands guéridons de bois, sculptés et dorés, de 6 pieds de haut, le pied de trois consoles, avec un triangle de fer doré dessous pour tenir lesdites consoles, la tige en forme de gaine percée à jour, avec trois coquilles au haut entre trois consoles qui portent le plateau » ou notre paire qui s’inscrit dans cette esthétique.
Sous la Régence, le recours aux torchères se fait de plus en plus rare en comparaison du règne précédent. Cependant, des ornemanistes comme François de Cuvillès (1695−1738) vont, entre 1720 et les années 1730, continuer de promouvoir ce type de mobilier.
- Hauteur : 175,5 cm – 69 1⁄8 inches
- Largeur : 70 cm – 27 ½ inches
- Catherine Arminjon, Quand Versailles était meublé d’argent [catalogue de l’exposition], Paris, Réunion des Musées Nationaux, 2007.
- Burton B. Fredericksen, The J. Paul Getty Museum, London, Weidenfeld and Nicolson, 1975, p. 145.
- Daniel Meyer, Le mobilier de Versailles XVIIe et XVIIIe siècle, tome 1, Dijon, Édition Faton, 2002, p. 48–49.
- Peter Thornton, Seventeenth-Century Interior Decoration in England, France and Holland, Yale, Yale University Press, 1981.
- Gillian Wilson, « The J. Paul Getty Museum, 6e partie Les meubles baroques », Connaissance des arts, n°279, mai 1975, p.106.
- Gillian Wilson, Catalogue of the J. Paul Getty Museum Collection, French Furniture and Gilt Bronzes – Baroque and Régence, n°31, Los Angeles, J. Paul Getty Museum, 2008.
- Gillian Wilson et Catherine Hess, Summary Catalogue of European Decorative Arts in the J. Paul Getty Museum, Los Angeles, J. Paul Getty Museum, 2002, p. 56, n°108.
- Apollo, novembre 1989, p. 315.