Paire de torchères-guéridons à motifs de lambrequins

France, époque Louis XIV- Régence, vers 1725
Bois sculpté, ajouré et doré

Chacune des deux torchères présente un dessus circulaire, un fût central hexagonal et une base triangulaire. La tranche du plateau circulaire est ornée d’un motif de ruban sinueux courant tout autour en décrivant une frise de fleurons alternés sur fond de croisillons.

Le plateau repose sur un socle conique inversé à décor de chutes de feuilles, de fleurons et de côtes disposés en alternance, puis un fût hexagonal panneauté et sculpté sur chacun d’entre eux de coquilles enveloppantes, également appliquées sur fonds de grands croisillons.

Ce fût est supporté par un contre-socle hexagonal azuré qui s’élève à partir d’un épaulement triangulaire dont la partie supérieure est ornée d’un cabochon évoquant des rognons sur un lit de feuilles d’acanthe orientées vers le haut.

Le rebord des épaulements en fronton est agrémenté de pointes de feuilles appliquées sur des croisillons et est incurvé en forme d’arc sur ses trois côtés. Sous chaque voûte, figure un lambrequin contenant une chute feuillagée supportant des glands, également sur fond de grands croisillons. Trois grandes grenades sont disposées en alternance avec les lambrequins.

Au sommet du grand fût hexagonal se trouve une moulure à tores et sur ses côtés figurent trois larges montants verticaux sculptés en alternance avec trois autres montants plus étroits, tous sculptés de chutes feuillagées et de fleurons. Les chutes feuillagées des panneaux les plus étroits se répètent symétriquement au-dessus et sous une fleur épanouie située au milieu sur fond azuré. Sur les panneaux les plus larges, ils s’élèvent au-dessus et sous un pilastre ionique tronqué sur fond de grands croisillons pointés.

À partir d’un pommeau ajouré dont le centre est composé d’un ornement de trois coquilles superposées et stylisées, s’élève le fût central. Celui-ci repose sur une base triangulaire concave évasée, dont le col est agrémenté d’un décor de plumes, au-dessus d’un socle à compartiments horizontaux embellis de volutes et de rosaces.

Le fût repose sur trois riches pieds à enroulements et rosaces circulaires à décors d’azurés et feuilles d’acanthe, reliés aussi par un double piétement ajouré à décor central de rosette. Le tout repose sur des sabots à patins rectangulaires et de petites plinthes.

Des torchères d’esprit et de taille très similaires existent, incluant celles du Getty Museum. Deux autres torchères appartenant au musée des arts décoratifs de Paris pourraient approcher la richesse de leur ornementation. Les dessins et gravures de Daniel Marot, publiées dans les premières années du XVIIIe siècle, rappellent celles en argent des palais royaux dans les années 1680 mais aucun des exemplaires survivants connus ne correspondent exactement à la description de ceux de Versailles. La taille des exemples de ce type est variable, de 134,5 à 173,3 cm, la hauteur de ceux du Getty Museum.

L’usage des torchères

Aux XVIIe et XVIIIe siècles en France, les torchères servaient surtout à supporter des flambeaux, candélabres ou girandoles, mais elles pouvaient aussi présenter des vases.

Les sources de l’époque indiquent que ce type de porte-torchères était appelé « guéridons » et ceux du modèle décrit ci-dessus, mesurant plus de 90 cm ou 130 cm, étaient parfois cités comme

« torchères ». C’est ainsi qu’en 1690, Antoine Furetière définissait dans le Dictionnaire universel le terme de guéridon comme « meuble de chambre qui sert à porter les flambeaux, des vases, etc. Il est composé d’un pilier ou colonne de bois ou d’argent entre deux pièces rondes, l’un par en bas pour le soutenir, et l’autre par en haut pour porter ce qu’on met dessus.

Quelques années plus tard, en 1696, le Dictionnaire de l’Académie présentait la définition des torchères comme « une espèce de guéridon fort élevé sur lequel on met un flambeau, une girandole, des bougies, dans les salles des palais, des grandes maisons » et plus d’un demi-siècle plus tard, l’une des définitions de torchère était « une espèce de grand guéridon dont le pied, qui est triangulaire, et la tige, enrichis de sculpture, soutiennent un plateau pour porter de la lumière. » Conçues en paires, les torchères pouvaient ainsi flanquer des tables de présentation et des miroirs et plusieurs paires pouvaient être commandées pour être placées contre les murs ou dans les angles des pièces.

Peter Thornton note qu’elles étaient réalisées en plusieurs hauteurs : d’environ 80 à 90 cm pour les tables à jeux, les moyennes de 120 à 140 cm, et les hautes de 170 à 180 cm pour de grandes pièces plus formelles.

Cet élément mobilier complétait généralement l’éclairage des lustres mais permettait aussi de s’éclairer sans devoir allumer des lustres dont les bougies noircissaient les décors picturaux des plafonds.

Sous Louis XIV, les torchères, le plus souvent en bois doré, en placage d’écaille et laiton ou même en argent pour le roi sont assorties et font parties d’un ameublement composé d’une table et de guéridons. Elles sont alors constituées d’une base tripode, supportant des personnages de la mythologie, des « maures » pittoresques ou des enfants formant de véritables sculptures en ronde bosse, coiffés d’un petit plateau circulaire ou octogonal.

Les gravures du mobilier d’argent réalisé à l’instigation de Colbert sous la direction artistique de Charles Le Brun pour la Galerie des Glaces et les appartements d’état de Versailles ainsi que d’autres châteaux royaux illustrent de façon magistrale l’effet obtenu par l’usage de ces éléments de mobilier. L’ensemble de ces torchères fut fondu en 1689 pour financer les guerres et remplacé par des torchères en bois sculpté et doré, évocatrices de l’évolution des formes dans les dernières années du XVIIe siècle. En effet, les montants des torchères empruntèrent alors l’aspect de termes ou de gaines sculptées comme celles de 1690 décrites dans les inventaires comme « soixante grands guéridons de bois, sculptés et dorés, de 6 pieds de haut, le pied de trois consoles, avec un triangle de fer doré dessous pour tenir lesdites consoles, la tige en forme de gaine percée à jour, avec trois coquilles au haut entre trois consoles qui portent le plateau » ou notre paire qui s’inscrit dans cette esthétique.

Sous la Régence, le recours aux torchères se fait de plus en plus rare en comparaison du règne précédent. Cependant, des ornemanistes comme François de Cuvillès (1695−1738) vont, entre 1720 et les années 1730, continuer de promouvoir ce type de mobilier.

      • Hauteur : 175,5 cm – 69 18 inches
      • Largeur : 70 cm – 27 ½ inches

          • Anonyme, Paire de torchères, ancienne collection Tex et Jane Feldman jusqu’en 1983

          • Anonyme, Paire de torchères, ancienne collection du Baron Cassel Van Doorn jusqu’en 1954

          • Anonyme, Torchère, vers 1700–1710, Paris, musée des arts décoratifs
            (inv. 4325 A)

      • Catherine Arminjon, Quand Versailles était meublé d’argent [catalogue de l’exposition], Paris, Réunion des Musées Nationaux, 2007.

      • Burton B. Fredericksen, The J. Paul Getty Museum, London, Weidenfeld and Nicolson, 1975, p. 145.

      • Daniel Meyer, Le mobilier de Versailles XVIIe et XVIIIe siècle, tome 1, Dijon, Édition Faton, 2002, p. 48–49.

      • Peter Thornton, Seventeenth-Century Interior Decoration in England, France and Holland, Yale, Yale University Press, 1981.

      • Gillian Wilson, « The J. Paul Getty Museum, 6e partie Les meubles baroques », Connaissance des arts, n°279, mai 1975, p.106.

      • Gillian Wilson, Catalogue of the J. Paul Getty Museum Collection, French Furniture and Gilt Bronzes – Baroque and Régence, n°31, Los Angeles, J. Paul Getty Museum, 2008.

      • Gillian Wilson et Catherine Hess, Summary Catalogue of European Decorative Arts in the J. Paul Getty Museum, Los Angeles, J. Paul Getty Museum, 2002, p. 56, n°108.

      • Apollo, novembre 1989, p. 315.