Louis-Simon Boizot (1743−1809)

Un sculpteur au service des arts décoratifs

Louis-Simon Boizot (d’après), Manufacture de Sèvres, Pendule « vase Boizot » à fond œil de perdrix, 1781, Paris, Musée du Louvre (inv. OA 7607)

© 2008 GrandPalaisRmn (musée du Louvre) / Jean-Gilles Berizzi

S’illustrant dans la grande sculpture comme dans les arts décoratifs, Louis-Simon Boizot est un artiste aux multiples talents. Il instille, dans la ronde-bosse, dans la porcelaine et dans le bronze, un néoclassicisme élégant.

Louis-Simon Boizot, Méléagre, morceau de réception de Boizot à l’Académie royale de peinture et de sculpture, 28 novembre 1778 (modèle agréé le 23 novembre 1771), 1778, Paris, Musée du Louvre (inv. RF 3000)

© 2007 Musée du Louvre, Dist. GrandPalaisRmn / Pierre Philibert

Né en 1743, Louis-Simon Boizot grandit à la Manufacture des Gobelins. Son père, Antoine, est peintre ordinaire du roi, académicien et dessinateur de la manufacture royale : Boizot côtoie ainsi dès son plus jeune âge les artistes et les artisans du roi. Formé dans l’atelier du sculpteur Michel-Ange Slodtz (1705—1764), il mène des études brillantes. Il reçoit le premier prix de sculpture en 1763, avant de partir se former à Rome entre 1765 et 1770. Agréé à l’Académie dès son retour, il est reçu en 1778. De son maître Slodtz, Boizot retient une habileté technique hors pair et la science des drapés. Très influencé par ses prédécesseurs, le sculpteur puise son inspiration dans les œuvres de Falconet, de Bouchardon, de Pigalle, et des grands sculpteurs de Louis XIV à Versailles. En 1775, il reçoit une commande d’envergure : la fontaine de la Croix-du-Tahoir, à l’angle de la rue Saint-Honoré et de la rue de l’Arbre Sec. Il réalise par la suite de nombreux groupes en ronde-bosse ou portraits en buste, souvent salués par la critique lors de leur présentation au Salon. Le sculpteur travaille également au décor architectural de monuments importants, notamment l’église Saint-Sulpice à Paris.

Louis-Simon Boizot (d’après), Manufacture de Sèvres (porcelaine), Le Parnasse de Russie, pièce du surtout du service de l’impératrice Catherine II de Russie, vers 1779, Sèvres Manufacture et Musées nationaux (inv. MNC 23240)

© RMN-Grand Palais (Sèvres-Cité de la Céramique/Martine Beck-Coppol

Favorisant le retour des figures humaines et animales, le néoclassicisme des années 1770 appelle les sculpteurs au service des arts décoratifs. Boizot s’illustre tout particulièrement dans ce domaine, au premier titre en sa qualité de directeur de l’atelier de sculpture de la manufacture de Sèvres. Il est nommé à ce poste en 1773 et l’occupe jusqu’en 1800, influençant ainsi de manière décisive les productions de la manufacture. Chargé de visiter les ateliers une fois par semaine, il supervise, corrige et contrôle la production des ouvriers, tout en fournissant de nombreux modèles – bien que toutes les pièces de sculpture réalisées par la manufacture durant cette période ne lui soient pas attribuables. On lui doit de nombreux groupes en biscuit, qui concentrent en version réduite tout l’art de la grande ronde-bosse. Le Parnasse de Russie est l’un de ses chefs‑d’œuvre du genre. Réalisé en 1779 pour orner un surtout livré par la manufacture à l’impératrice Catherine II de Russie, il déploie un discours iconographique complexe soutenu par une composition monumentale.

Louis Simon-Boizot (d’après), Pierre-Philippe Thomire (bronzier), Manufacture de Sèvres (procelaine), Grand Vase, commandé par le comte d’Angiviller en 1783 pour le Garde-meuble de la Couronne puis exposé au château de Versailles fin décembre 1783 avec les derniers produits de la manufacture de Sèvres ; transporté vers 1787 au château de Saint-Cloud, dans la galerie d’Apollon puis placé au Louvre lors de l’exposition d’ouverture du Museum en 1793, 1783, Paris, Musée du Louvre (inv. OA 6627)

© 2011 GrandPalaisRmn (musée du Louvre) / Martine Beck-Coppola

Le rôle de Boizot au sein de la manufacture de Sèvres ne se limite pas aux petits groupes sculptés : il donne également de très nombreux modèles pour les vases et les pièces de forme. L’introduction de la porcelaine dure à la manufacture dans les années 17691770 accorde une liberté technique à ses artisans, qui se concrétise dans l’un de ses projets les plus audacieux : le « Grand Vase ». Commandé par Louis XVI en 1783 et mesurant près de deux mètres de haut, c’est un véritable défi pour la manufacture et un manifeste du goût Louis XVI développé par Boizot. On y retrouve le gigantisme, l’association de bas-relief en biscuit modelés par le sculpteur avec un décor émaillé, et des ornements de bronze doré. Ces derniers inaugurent la fructueuse collaboration du bronzier Pierre-Philippe Thomire (1751—1843) avec la manufacture. De nombreux modèles portent aujourd’hui encore le nom de Boizot : citons par exemple le vase pendule Boizot, le vase Boizot « bouc à guirlandes » ou encore le « buire Boizot ».

Ferdinand Schwerdfeger (ébénisterie), Jean-Démosthène Dugourc (d’après), Louis-Simon Boizot (d’après), Étienne Martincourt (fondeur), Pierre-Philippe Thomire (bronzier), Jean-Baptiste-Godegrand Mellet (doreur), Jean-Jacques Lagrenée (peintre), Jacques-Joseph Degault (peintre), Piat-Joseph Sauvage (peintre), Manufacture de Sèvres (porcelaine), Serre-bijoux de Marie-Antoinette, commandé par la reine en 1787 et placé à Versailles dans sa grande chambre, 1787, Paris, Musée du Louvre (inv. OA 5515), dépôt au château de Versailles

© Château de Versailles, Dist. RMN / © Christophe Fouin

En dehors de la manufacture, Boizot travaille en étroite collaboration avec les plus grands bronziers de son temps : Pierre Gouthière (1732—1813), Pierre-Philippe Thomire et François Rémond (1747—1812). Pour eux, il dessine et réalise de nombreux modèles de pendules, de candélabres et d’ornements en bas-relief. La première commande importante que le sculpteur reçoit dans sa carrière est d’ailleurs un objet d’art : la pendule offerte en 1771 par la ville d’Avignon à son gouverneur, le marquis de Rochechouart. La même année, il collabore avec Gouthière pour le pavillon que le roi Louis XV fait construire pour Madame du Barry à Fontainebleau, et on le retrouve toujours au service de la favorite et en collaboration avec Gouthière les deux années suivantes. Pour Thomire, il donne de nombreux modèles pour le Garde-Meuble et les souverains : plusieurs chenets destinés à Versailles, ou encore le fabuleux serre-bijoux de Marie-Antoinette réalisé par Schwerdfeger (1734—1818) les rassemblent.

Louis-Simon Boizot (figures d’après), François Rémond (bronzier), Dominique Daguerre (marchand mercier), Nicolas Sotiau (horloger), Pendule à l’Étude et la Philosophie, fournie par Daguerre en 1788 pour la pièce du Conseil du château de Saint-Cloud, 1788, Versailles, Châteaux de Versailles et de Trianon (inv. VMB 14427.1)

© Château de Versailles, Dist. RMN / © Thomas Garnier

La collaboration féconde de Thomire et de Rémond avec le grand marchand mercier Dominique Daguerre incite les bronziers à se tourner régulièrement vers Boizot pour leurs modèles. Les figures de L’Étude et de La Philosophie, créées en 1776 pour Sèvres sont ainsi reprises pour une pendule « à l’Étude » exécutée en 1785 par Rémond pour le compte de Daguerre, puis plusieurs fois reproduite. On retrouve encore les mêmes figures sur une paire de chenets réalisés par Rémond (Château de Versailles, inv. VMB 1334.1) et sur une paire de lampes à huile (J. Paul Getty Museum, inv. 88.SB.113), cette fois sous le ciseau de Thomire.
Un secrétaire de notre collection est également issu de la collaboration de Boizot, Rémond et Daguerre. Ce meuble remarquable, dont l’ébénisterie est attribuée à Adam Weisweiler (1744—1820), est réalisé vers 1790–1795 vraisemblablement sous la direction de l’éminent marchand mercier. Doté d’un riche décor de bronze ciselé par Rémond, il est orné sur un tiroir en partie basse d’une délicate frise en bas-relief d’après le modèle de Boizot, L’Offrande à Cérès, aujourd’hui conservé à la Manufacture et Musées nationaux de Sèvres.

Adam Weisweiler (ébénisterie attribuée à), François Rémond (bronzes attribués à), Dominique Daguerre (probablement sous la direction de), Claude Ramey (médaillon d’après), Louis-Simon Boizot (frise d’après), Secrétaire en laque, vers 1790–1795, galerie Léage, ancienne collection Alphonse puis Edouard de Rothschild

Louis-Simon Boizot (sous la direction de), L’Offrande à Cérès, modèle en cire sur plâtre, 1791, Sèvres Manufactures et musées nationaux (inv. MNC 21702)

Sculpteur du roi, directeur de l’atelier de sculpture de la manufacture de Sèvres et donneur de modèles pour les plus grands bronziers de la fin du XVIIIe siècle, Boizot se révèle une figure discrète mais décisive des arts décoratifs de la période. Il propose une vision rigoureuse, équilibrée et érudite du goût Louis XVI.

Bibliographie :
Musée Lambinet, Louis-Simon Boizot. 1743–1809, Sculpteur du roi et directeur de l’atelier de sculpture à la Manufacture de Sèvres, Somogy éditions d’art, 2001
Tamara Préaud, Guilhem Scherf (dir.), La Manufacture des Lumières. La sculpture à Sèvres de Louis XV à la Révolution, Éditions Faton, 2015
Pierre Ennès, Brigitte Ducrot, Un défi au goût. 50 ans de création à la manufacture royale de Sèvres (1740−1793), Éditions de la Réunion des musées nationaux, 1997
 

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