François Rémond (1745.1747−1818)

François-Aimé Damerat (d’après), François Rémond (bronze), Allégorie de la Science, vers 1785–1790, New York, Metropolitan Museum of Art (inv. 07.225.510.416)

Éminent bronzier du règne de Louis XVI, François Rémond (1745÷1747−1812) concourt à la réalisation de certains des plus beaux meubles et objets d’art de la période. Longtemps resté dans l’ombre de son confrère Pierre Gouthière (1732−1813), la redécouverte de ses registres en 1983 a révélé toute l’étendue de son talent.

François Rémond (bronzes), Bouteille à saké provenant de la collection de la marquise de Pompadour, montée, 1783, Paris, Musée Nissim de Camondo (inv. CAM 144)

© MAD, Paris / photo : Jean-Marie del Moral

François Rémond entre en apprentissage chez le doreur Pierre-Antoine Vial en 1763. En 1774, il est reçu maître doreur et commence alors une brillante carrière. Rémond se retrouve à la tête d’un atelier important, capable de réaliser la fonte, la ciselure et la dorure des pièces qu’il produit. Le bronzier emploie de nombreux journaliers et confie la fonte de certaines de ses pièces à des ateliers extérieurs, notamment les Forestier. Il reprend les modèles des plus grands sculpteurs de son temps, et particulièrement de Louis-Simon Boizot (1743−1809) avec lequel il collabore régulièrement, et invente également ses propres modèles. Dès les années 1780, il est ainsi l’un des artisans les plus prospères de sa corporation. Sa réputation bien établie lui permet de côtoyer les plus grands artisans, marchands et collectionneurs. Il collabore ainsi avec Jean-Henri Riesener (1734−1806) pour l’ornement de certains de ses meubles, et travaille dans les années 1780 avec l’ébéniste allemand David Roentgen (1743−1807) à la réalisation de certains de ses plus beaux ouvrages. Ce dernier livre près de 130 meubles à l’impératrice Catherine II de Russie en 1786, dont nombre d’entre eux sont garnis de bronzes de Rémond.

David Roentgen (ébénisterie), François Rémond (bronzes), Bureau à cylindre, probablement acquis par Louis XVI en 1781, vers 1781, Versailles, Châteaux de Versailles et de Trianon (inv. OA 5228)

© Château de Versailles, Dist. RMN / © Christophe Fouin

François Rémond est particulièrement bien introduit auprès des marchands merciers parisiens. Il travaille pour les plus grands, Granchez, Julliot et surtout Dominique Daguerre. De 1779 à 1792, il fournit ce dernier en bronzes pour la somme colossale de 920 000 livres soit l’équivalent de plusieurs millions d’euros actuels. Principal fournisseur de la reine Marie-Antoinette, Daguerre collabore avec les meilleurs artisans de son époque – Adam Weisweiler, Jean-Henri Riesener, ou encore Pierre-Gouthière – qu’il met au service des collectionneurs les plus avertis. Rémond participe à la réalisation de pièces somptueuses par son intermédiaire. En 1783, il enrichit de gracieuses montures de bronze doré deux bouteilles à saké en laque provenant de la collection de la marquise de Pompadour, dont l’une est aujourd’hui conservée au musée Nissim de Camondo. Après la Révolution, il continue à livrer pour le marchand mercier parti à Londres, puis pour son associé Lignereux. De nombreux bronzes de Carlton House, résidence londonienne du prince de Galles, sont ainsi de sa main. Un très riche secrétaire de la collection de la Galerie Léage, réalisé vers 1792 par Weisweiler et Rémond, offre un autre exemple de ces somptueuses réalisations.

Adam Weisweiler (ébénisterie), François Rémond (bronzes attribués à), Dominique Daguerre (probablement réalisé sous la direction de), Secrétaire en laque, vers 1792–1795, Galerie Léage, ancienne collection d’Alphonse puis d’Edouard de Rothschild

L’immense talent de Rémond lui permet d’accéder à une clientèle particulièrement prestigieuse. Alors que l’atelier de Gouthière décline, Rémond prend sa place sur d’importants chantiers, notamment ceux du comte d’Artois à Bagatelle, au Temple et à Versailles. Chenets, candélabres, appliques, lustres rivalisent de richesse et de sophistication. La paire de candélabres aux autruches livrée en 1782 pour le cabinet turc du comte d’Artois à Versailles, témoigne du talent incontesté du bronzier. Il participe également à la création de la table à écrire livrée par Daguerre en 1784 pour le cabinet intérieur de la reine Marie-Antoinette au château de Saint-Cloud. D’une richesse remarquable, elle associe à des panneaux de laque un décor de bronze doré et d’acier. Parmi ses clients, Rémond compte encore les ducs d’Orléans et de Penthièvre, le prince de Galles ou la princesse Kinsky à Paris, tous amateurs raffinés.

Adam Weisweiler (ébénisterie), François Rémond (bronzes), Table à écrire livrée en 1784 par Daguerre pour le boudoir de Marie-Antoinette à Saint-Cloud, vers 1784, Paris, Musée du Louvre (inv. OA 5509)

© 2012 Musée du Louvre, Dist. GrandPalaisRmn / Thierry Ollivier

S’inscrivant pleinement dans la mode de son temps, Rémond est l’un des principaux interprètes du goût à la turque. Ses œuvres sont peuplées de sphinges, de griffons, d’arabesques, de draperies et de chaînettes caractéristiques de ce goût nourri d’un exotisme fantasmé. Les nombreuses livraisons pour le comte d’Artois et Marie-Antoinette, tous deux férus d’Orient, en témoignent. Rémond contribue lui-même à ce goût en dessinant des modèles originaux. Des candélabres composés de trois faunesses adossées autour d’une cassolette fumante sont livrées pour le cabinet turc du comte d’Artois à Versailles en 1783, avant d’être reproduites en 1785 pour la princesse Kinsky. Variant les motifs, le bronzier imagine quelque temps plus tard des candélabres composés d’un sphinx assis pour la même commanditaire. Le modèle est particulièrement apprécié : entre 1783 et 1787, il réalise treize paires similaires, dont 12 sont livrées à Daguerre.

François Rémond, Candélabres aux faunesses, d’après un modèle créé pour la princesse Kinsky, vers 1783, Paris, Musée du Louvre (inv. OA 6896)

© 2011 Musée du Louvre, Dist. GrandPalaisRmn / Thierry Ollivier

Chef‑d’œuvre de virtuosité et d’élégance, l’œuvre de François Rémond incarne à elle seule la perfection du bronze doré sous le règne de Louis XVI. Son succès ne se dément pas après la Révolution, et le bronzier cède progressivement la place à Pierre-Philippe Thomire (1751−1843) au début du XIXe siècle.

Bibliographie :
Pierre Verlet, Les Bronzes Dorés Français du XVIIIe siècle, Éditions Picard, 1999
Anne Forray-Carlier, Sylvie Legrand-Rossi, Béatrice Quette, De Bronze et d’Or. Bronzes dorés du musée Nissim de Camondo, Les Arts Décoratifs, 2024
Christian Baulez, « François Rémond et le goût turc dans la famille royale au temps de Louis XVI », in L’Objet d’Art n°2, décembre 1987, p.35–45

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